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28 octobre 2007 7 28 /10 /octobre /2007 15:06
  l'atelier d'Alberto Giacometti
giacometti-at-doisneau-300.jpg
«Une statue dans une chambre et celle-ci devient un temple.»

Jean Genet

L'Atelier d'Alberto Giacometti est le titre d'une exposition rétrospective de l'artiste en référence au texte éponyme de Jean Genet de 1957.
Cette exposition , on peut la visiter au centre Georges Pompidou à Paris, et ceci jusqu'au 11 février 2008. On y voit rassemblées plus de 600 œuvres de l'artiste suisse ainsi que des photographies le montrant le plus souvent dans ce minuscule atelier de la rue Hippolyte Maindron, tout près de Montparnasse.
Alberto Giacometti va passer près de 40 ans dans ce tout petit atelier sombre et poussiéreux. Une espèce de chaos, de désordre apparent, un lieu où même Annette, sa femme, n'avait pas le droit de déplacer les choses qui s'y trouvaient ni même de passer un chiffon sur les vitres recouvertes de cette poussière blanche ou grise qui filtrait la lumière.
Le 46 de la rue Hippolyte Maindron, c'est le lieu de toute une vie ou presque : 1927-1966, l'année de sa mort.


  Cette exposition de Paris, 16 ans après celle que nous avions vue au Musée d'art moderne, est évidemment  l'occasion d'être à nouveau ébloui, de s'émerveiller des œuvres de cet immense artiste qu'était Alberto Giacometti. On va y retrouver beaucoup de choses avec un égal plaisir. Quatre moments forts vont structurer cette présentation  : Après quelques œuvres de son père, lui-même peintre en Suisse, nous allons rencontrer Paris et le jeune Giacometti, l'artiste et ses photographes -qui vont jouer un grand rôle-, une zone centrale dédiée à l'atelier, et puis les œuvres de la maturité.


Giacometti a pris le relais de son père ainsi que de son grand-père, tous deux peintres. On a l'impression  que très naturellement, vivant dans ce milieu, il conduit ou reconduit une activité comme un artisan reprend l'atelier ou la boutique de son père, le lieu qui l'a vu naître avec le souci de faire fructifier  ce que lui ont légué ses ancêtres. Cette sorte d'atavisme  nous aide à mieux comprendre la modestie avec laquelle il pratique et rend compte de son travail d'artiste, tout au long de sa vie.
giacometti10-300.jpg Il va en effet surprendre par son mode de vie à la fois simple et fort, et son souci permanent de tenter d'expliquer , avec une extrême régularité, une modestie et une exigence dans le propos, ce qu'il fait et notamment son sentiment répété d'être sans cesse à la recherche de quelque chose qu'il ne parviendra jamais à atteindre.
Comme je m'étonne qu'il y ait un animal (c'est le seul parmi ses figures). Lui : "C'est moi. Un jour je me suis vu dans la rue comme ça. J'étais le chien".

Giacometti à Jean Genet,1957.
  l'Atelier d'Alberto Giacometti, Jean Genet.
           
Genet a fréquenté énormément Giacometti. Il a posé pour lui, a essayé de comprendre cet homme qui le fascinait et qui, d'une certaine manière, incarnait l'acte de création. Genet cherchait sans doute lui-même à percer ce mystère qui pousse un artiste à passer à l'acte, toute sa vie, ce moteur interne sans cesse relancé. Jean Genet a laissé ce magnifique texte, L'Atelier d'Alberto Giacometti qui nous aide, nous aussi, à marcher à tâtons dans ce labyrinthe.

Comme L'Atelier d'Alberto Giacometti de Jean Genet n'est pas l'atelier de Giacometti de la rue Hippolyte Maindron, il se trouve que
l'atelier d'Alberto Giacometti  de la présente exposition du Centre Georges Pompidou n'est pas à confondre avec  cet atelier de Montparnasse où vécut l'artiste durant près de quarante années.

Ce serait une imbecillité de penser que l'on peut reconstituer à l'identique l'atelier d'un artiste dans une exposition. Cela relève même du contresens : l'atelier (et je sais de quoi je parle) est un lieu de l'intime, du dévoilement, de la mise à nu, le lieu où l'on prend des risques, le lieu où l'on se compromet souvent à nos yeux, le lieu (par définition)  que l'on ne partage pas (même si, à l'évidence, existent des exemples d'ateliers "collectifs", "communautaires" ou fonctionnant sur des modes particuliers à l'instar de la fameuse Factory d'Andy Warhol). Il serait illusoire, quasiment obscène de fabriquer, en trompe-l'œil, l'atelier du peintre, du sculpteur. Cette volonté d'authenticité ne ferait que dévoiler toute la vacuité d'une intention aberrante. Il ne faut pas mélanger les genres : un atelier est un atelier avec sa fonction et son fonctionnement particulier et le lieu d'exposition ne peut être qu'autre chose. On ne fait pas visiter son atelier à n'importe qui contre rétribution ; les toiles de Bacon ne sont jamais exposées sur un tas d'ordures (ou plus précisément sur un amas de tubes de peintures ou de couleurs écrasés ou encore
sur une  accumulation d'images souillées, maculées ou déchirées).
Cet atelier d'Alberto Giacometti, même si des pans du vrai mur (dessiné) ont été prélevés puis réinstallés dans la présente exposition ne peut donc être confondu avec le lieu d'origine.

En revanche nous allons trouver des traces multiples et documentaires de cet atelier dans la cellule d'exposition consacrée aux photographes de Giacometti qui seront parmi les gens importants de l'époque : Henri Cartier-Bresson, Robert Doisneau, Eli Lotar, Denise Colomb, Irving Penn, Brassaï, Man Ray,  Jacques-Henri Boiffard ou encore Sabine Weiss. Cet endroit est soigné, feutré, intime et contraste avec l'extrême clarté la belle luminosité du reste de l'exposition. 
 
           
giacometti5-100.jpg  giacometti3-100.jpg  giacometti2-100.jpg    giacometti1-100.jpg  giacometti6-100.jpg 
Giacometti a une œuvre importante. L'éternel combat qu'il mena contre le doute force le respect. Ce qui est fascinant, c'est sa capacité de résistance : il ne lâchait jamais rien, voulait toujours savoir où il allait et accordait beaucoup d'importance à l'observation de ses actes, de sa démarche ; les témoignages sont nombreux et les enregistrements disponibles (en particulier l'entretien avec Georges Charbonnier qui savait poser les questions). La mise en œuvre de l'acte artistique est directement observable dans l'exposition : un portrait de Jacques Dupin est accroché à l'une des cimaises et le film de la genèse de ce tableau est présenté juste en dessous où l'on voit la main de Giacometti en action dessiner, peindre et faire monter progressivement les traits du tableau que l'on peut observer et admirer simultanément devant nos yeux. Cette expérience est extraordinaire et il s'agit d'une véritable trouvaille de l'exposition et rappelle sans doute le fameux Mystère Picasso tourné en son temps par Henri-Georges Clouzot ou encore ce que fit Hans Namuth en filmant Jackson Pollock.

Cet artiste qui passa sa vie à se demander ce qu'était une tête ne dissocia jamais l'acte d'être de celui de créer. Il nous donne une formidable leçon d'humilité, lui qui était capable de passer quatre années entières sur un même objet. Il donne également à réfléchir sur ces artistes actuels qui organisent une rétrospective de leur travail avant même d'avoir atteint la trentaine.

Thierry Dufrêne, en 1994, termine le livre qu'il fait paraître sur Giacometti en  écrivant : En octobre 1965, quelques mois avant sa mort, sur le bateau qui le ramène de New York en Europe, Giacometti écrit dans ses «Notes sur les copies» : «Je ne sens que la mer qui m'entoure, mais il y a aussi le dôme, la voûte immense d'une tête humaine.»*
  
           
           
 * Thierry Dufrêne, Giacometti, les diimensions de la réalité, Éditions Skira,Lausanne, 1994, p 184


illustrations : 

- Alberto Giacometti dans la cour de l'atelier, 18 ou 19 décembre 1957 Robert Doisneau, tirage argentique sur papier. Extrait du catalogue de l'exposition, L'Atelier d'Alberto Giacometti, Centre Georges Pompidou, octobre 2007 .
- plan de l'exposition : document distribué à l'entrée de l'exposition.
-Le chien, Alberto Giacometti, 1951 (cast 1957). Bronze,(45.7 x 99 x 15.5 cm). Moma New York .
-six vignettes d'œuvres de l'artiste.


           
L'atelier d'Alberto Giacometti
Collection de la fondation Alberto et Annette Giacometti
Exposition au Centre
Georges Pompidou, Paris


17 octobre 2007 - 11 février 2008
           
           
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19 octobre 2007 5 19 /10 /octobre /2007 19:04
  l'objet invisible
giacometti-invisible1-200.jpg Pour cette sculpture de 1934, l'objet invisible, Alberto Giacometti emprunta la silhouette stylisée d'une statue assise d'une défunte provenant des îles Salomon, qu'il avait vue au musée ethnographique de Bâle, et qu'il combina avec d'autres éléments tirés de l'art océanien, comme le démon de la mort représenté par un oiseau, indique Rosalind Krauss dans un article intitulé "On ne joue plus"*, consacré à l'artiste suisse.
En 1935, l'art de Giacometti changea brusquement. Celui-ci commença à travailler d'après la réalité. Des modèles vinrent poser dans son atelier, et il cessa de réaliser des sculptures qui - comme il le dit plus tard à propos de son œuvre du début des années trente-«me venaient toutes faites dans la tête». La rupture que cela entraîna avec les surréalistes laissa à Giacometti un sentiment de violente hostilité. 
Il déclara que tout ce qu'il avait fait jusque-là était "de la masturbation" et qu'il n'avait pour le moment d'autre objectif que d'essayer de "mettre en place" une tête humaine». Dans la logique de cette répudiation, il nia tout rapprochement avec l'art primitif, prétendant qu'il n'avait emprunté à des objets de ce type que parce que l'art nègre était à la mode au début de sa carrière.**
         
 * Rosalind Krauss, extrait de L'originalité de l'avant-garde et autres mythes modernistes, Éditions Macula, p 215
** Rosalind Krauss, op. cit., p.254

illustration : 
l'objet invisible, Alberto Giacometti, bronze, 153x32x29cm, Washington, National Gallery of art, op. cit., p. 214


         
L'atelier d'Alberto Giacometti
Collection de la fondation Alberto et Annette Giacometti
Exposition au Centre
Georges Pompidou, Paris


17 octobre 2007 - 11 février 2008
         
         
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18 octobre 2007 4 18 /10 /octobre /2007 09:14
  l'objet invisible
giacometti20-100.jpg
Nous sommes toujours disposés à regarder les choses mais rarement entre les choses.
Certains grands artistes savent provoquer et accompagner notre regard.
Hier, s'ouvrait la rétrospective Alberto Giacometti  au 6ème étage du Centre Georges Pompidou :
L'atelier d'Alberto Giacometti, Collection de la fondation Alberto et Annette Giacometti. Je reviendrai sur cette importante exposition.
         
illustration : l'objet invisible, Alberto Giacometti, bronze, 153x32x29cm, Washington, National Gallery of art
in "Alberto Giacometti, biographie d'une oeuvre" Yves Bonnefoy, Flammarion, Paris, 1991, p226  
     
         
L'atelier d'Alberto Giacometti
Collection de la fondation Alberto et Annette Giacometti
Exposition au Centre
Georges Pompidou, Paris


17 octobre 2007 - 11 février 2008
         
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17 octobre 2007 3 17 /10 /octobre /2007 10:26
 Eugène Delacroix, Journal
 
 Liaison .  Quand nous jetons les yeux sur les objets qui nous entourent, que ce soit un paysage ou un intérieur, nous remarquons entre les objets qui s’offrent à nos regards une sorte de liaison produite par l’atmosphère qui les enveloppe et par les reflets de toutes sortes qui font en quelque sorte participer chaque objet à une sorte d’harmonie générale.



 Eugène DELACROIX, Journal d’Eugène DELACROIX, Les Mémorables, PLON, 1980 (1931-32)
25 janvier 1857 , p 626
 
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16 octobre 2007 2 16 /10 /octobre /2007 19:41


  Jean-Baptiste Oudin
J.B.Oudin1-200.jpg   Le temps passe. Je l'ai déjà dit hier. J'aurais dû parler également de cet artiste ou plutôt de cette visite que j'ai faite de l'exposition de Jean-Baptiste Oudin à la galerie Anne Sordo-Therba ; cette expo vient de se terminer elle-aussi, comme celle de Tony Cragg.
Et la visite m'a laissé un goût étrange, inhabituel. 
Jean-Baptiste Oudin pratique une photographie relativement classique et  je pense que ce travail n'est remarquable que dans son lieu d'exposition.
Les tirages présentés ici montrent un même sujet : une pierre verdâtre et transparente, photographiée selon des points de vue variés. Mais l'espace dans lequel étaient accrochées ces photographies est un lieu étrangement aérien, silencieux, exagérément propre et lustré, un lieu calme, éthéré. Un contraste avec cette pierre, ce fragment minéral arraché à la montagne, un éclat de verre brut, lourd, imposant, mais tellement léger, transparent, lumineux et liquide. De verts rochers en apensanteur. L'impression d'avoir traversé une illusion.
         
         
photo : ©courtesy galerie Anne Sordo-Therba
 


Galerie Anne Sordo-Therba
14 rue Richard-Lenoir 75011, Paris

5 septembre  -  13 octobre  2007
         
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15 octobre 2007 1 15 /10 /octobre /2007 20:33
       Tony Cragg, dessins
cragg2-200.jpg   Le temps passe. Je souhaitais parler d'une visite que j'avais faite à la galerie  Thaddaeus Ropac.
Il y avait là des dessins de Tony Cragg. D'étonnants dessins. D'une grande liberté, où l'on voyait les gestes amples de l'artiste. Des représentations de l'espace à l'aide d'accumulations de petites formes géométriques. Beaucoup d'élégance.
         
Des portraits faits de dédoublements et puis des personnages à la Anthony Gormley aériens, singuliers, majuscules.
Mais c'est trop tard. L'exposition a fermé ses portes samedi.
         
cragg1-100.jpg  cragg6-100.jpg  cragg5-100.jpg   cragg3-100.jpg   cragg9-100.jpg 
         
Galerie Thaddaeus Ropac,  7 rue Debelleyme 75003 PARIS
5 septembre  -  13 octobre  2007
  
         
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14 octobre 2007 7 14 /10 /octobre /2007 10:10
  « Vanitas vanitatum omnia vanitas »
gordon7-200.jpg

  La tête dans les étoiles ou des étoiles dans la tête....
La tête aux pieds dans une boîte de verre à échelle humaine. On appelle ça un cercueil (de verre). Le miroir au sol c'est ici l'image du ciel, sans doute.


Grand dépouillement, économie des moyens. Less is more.

Une façon d'apprivoiser la M... ?
41 trous d'étoiles, c'est l'âge de l'artiste.

Une très belle pièce de Douglas Gordon.

       
 gordon1-125.jpg  gordon2-125.jpg  gordon5-125.jpg  gordon6-125.jpg
       
Galerie Yvon Lambert, 108 rue Vieille-du-temple, Paris.
15 septembre-13 octobre 2007.
 
     
       
       
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13 octobre 2007 6 13 /10 /octobre /2007 17:10
  Peter HALLEY – Matali CRASSET
A rebours
15 septembre  -  13 octobre  2007


halley0-500.jpg
 
From the 15th of September to 13th of October, Galerie Thaddaeus Ropac is delighted to present the first exhibition teaming an artist represented by the gallery, Peter Halley, with a designer, Matali Crasset.
The painter and designer have discovered a number of strong affinities, and Galerie Thaddaeus Ropac has taken the initiative of encouraging a collaborative undertaking by the pair and, by the same token, of opening its space to design. The gallery will be producing an exclusive edition of pieces by Matali Crasset designed specially for this project.

In the main room, Peter Halley will be exhibiting a series of paintings conceived specially to interact with Matali Crasset's wall drawings. In the project room, Matali plans to install four of her pieces, around which Peter Halley will paint a mural composition.

This is the first in a planned series of collaborative undertakings at the gallery combining art, design and architecture, for each of which Galerie Thaddaeus Ropac will produce an exclusive new series.


Galerie Thaddaeus Ropac



Une exposition qui se termine aujourd'hui. Échange entre deux artistes dans le bel espace de la galerie T. Ropac
  
halley1-125.jpg  halley2-125.jpg  halley3-125.jpg  halley4-125.jpg  halley5-125.jpg 
         
         
         
         
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12 octobre 2007 5 12 /10 /octobre /2007 19:31
         The Third Mind
        

Palais de Tokyo - Paris
Carte blanche à Ugo RONDINONE.


Cut-up

rondinone81-100.jpg  rondinone82-100.jpg  rondinone83-100.jpg  rondinone84-100.jpg  rondinone85-100.jpg  rondinone86-100.jpg 
rondinone87-100.jpg  rondinone88-100.jpg  rondinone89-100.jpg  rondinone90-100.jpg  rondinone91-100.jpg  rondinone92-100.jpg 
rondinone93-100.jpg  rondinone94-100.jpg  rondinone95-100.jpg  rondinone96-100.jpg  rondinone97-100.jpg  rondinone98-100.jpg 
rondinone99-100.jpg  rondinone100-100.jpg 
 
rondinone102-100.jpg
 
rondinone103-100.jpg
 

 
Le cut-up est la technique (simple) qui consiste à découper physiquement les mots et les images pour les réordonner  fortuitement de manière à faire surgir de nouvelles associations.
 


photographies de l'auteur :

1. Bruno GIRONCOLI-Karen KILIMNIK-Rebecca WARREN- Laurie PARSONS-Robert GOBER-Thoba KHEDORI
2. Cady NOLAND THEK-Bruce CONNER-
Martin BOYCE-Lee BONTECOU-Hans JOSEPHSOHN-
3. Joe BRAINARD-
Joe BRAINARD-Ronald BLADEN-Urs FISCHER-Jean Frédéric SCHNYDER-Jean Frédéric SCHNYDER
4. Andrew LORD-Verne DAWSON-Cady NOLAND-
Rebecca WARREN-Joe BRAINARD-William S.BURROUGHS & Brion GYSIN



 
Palais de Tokyo - Paris
du 27 Septembre 2007 au 03 Janvier 2008
           
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11 octobre 2007 4 11 /10 /octobre /2007 19:19
 
       The Third Mind
Nancy Grossman
rondinone70-200.jpg Palais de Tokyo - Paris
Carte blanche à Ugo RONDINONE.
Nancy GROSSMAN est considérée comme une artiste qui relève de l'expression ou abusivement  classifiée comme «expressionniste». Ce qui laisse entendre que son esthétique serait le produit d'une sorte d'amplification, qu'elle appartient à la catégorie des artistes exprimant des sentiments forts, qu'elle est impulsive et qu'elle se situe sans doute dans une sorte d'exagération permanente.
Il paraît qu'au contraire cette artiste est quelqu'un d'une grande modestie et qu'elle n'a aucun désir particulier ni de provoquer ni de tirer bénéfice de provocations quelconques pour faire carrière.
Or les pièces qu'elle livre à notre appréciation  sont d'une grande singularité, ont tendance à gêner voire à créer le malaise à l'instar de ces têtes de cuir, par exemple, qui font très clairement référence aux objets S.M.


Cette artiste, loin de produire des objets gadget ou sexo-folkloriques ou encore fétichistes qui évolueraient dans un monde à la marge,  met en œuvre, au contraire, une approche qui me semble profonde, complexe, référentielle, même si elle n'annonce pas la couleur Elle est à la fois dans une sorte d'épaisseur métaphysique (n'ayons pas peur des gros mots ;-) et dans l'intelligence des formes.
Il est frappant de constater que ce qu'elle travaille dans cette approche est intimement proche des conceptions exprimées dans la revue de Bataille Documents (parue dans les années 30) et particulièrement de certains articles écrits par Michel Leiris. Cela peut être un hasard mais, peut-être pas. 
En 1930, dans le N°8 de cette revue (p 464) Michel Leiris laisse un article intitulé :«Le caput mortuum ou la femme de l'alchimiste». Il y place en illustration une photographie de William B.Seabrook, Masque de cuir et collier (photographie ci-dessous, à, droite). Leiris développe dans cet article une thématique consacrée à «ces espèces de déguisements pervers que sont les masques de cuir utilisés dans les rituels sado-masochistes».
L'article qui précédait celui-ci avait pour objet la présentation d'une série de «Têtes» d'un artiste inconnu jusqu'alors, Franz Xaver Messerschmidt. On raconte d'ailleurs que cet artiste autrichien du XVIIIe siècle aurait tenté d'assassiner un homme «pour voir son visage décomposé par la terreur et l'agonie». Cet article était illustré par la photographie ci-dessous à gauche. (Documents, 1930, N°8, p 468). Le travail de ces Têtes de caractère était constitué d'une quarantaine d'autoportraits sculptés à l'échelle 1 qui visaient à  exprimer les sentiments et particulièrement les douleurs de l'artiste en déformant exagérément son visage.
Enfin, et un peu plus tôt dans la revue Documents, (1930, N°6, p 322) E. von Sydow va laisser un autre article consacré cette fois aux Masques-Janus du Cross-River (Cameroun). Ces masques avaient la particularité de posséder deux têtes mais ce qui se révélait beaucoup plus étonnant encore était  cette bizarrerie liée à leur confection : il s'agissait de masses de bois recouvertes d'une fine peau animale qui épousait tout le détail du matériau. L'apparence (ainsi que le toucher) se révélait excessivement humaine  du fait de cette peau, ce qui provoquait une sensation malsaine... Une photographie accompagnait l'article en question. Ci-dessous, au centre, une autre de ces têtes Janus du même Cross-River de l'Ouest de l'Afrique. Alors que dans l'illustration de la revue Documents, les cornes se situaient de part et d'autre du janus, ici les cornes (doubles) surmontent le crâne, comme dans quelques-unes des têtes de cuir de Nancy GROSSMAN.



messerschmidt19-200.png seabrook1-200.png

 

 

  

 

 

 

 

 

 

 

 

 
Nancy GROSSMAN, artiste d'aujourd'hui, intègre de manière trouble et étonnante ces éléments (comme ces cornes sur ces visages de peau) et surtout ces postures décrites par la revue de Georges Bataille. On pourrait même dire qu'elle les habite comme le visage caché, inabordable, confus, inquiétant et profond va habiter cette enveloppe de cuir, cette deuxième peau (noire) qui va renvoyer du corps tout entier une blancheur excessive et lui donner vraisemblablement un potentiel désirable accru.
Dans notre rapport à ces objets, on va constamment osciller de l'objet artistique à l'objet potentiellement inquiétant. L'artiste annule la figure pour la transformer en une sorte de monolithe effrayant.
Nancy GROSSMAN organise étonnament ce trouble.
           
           
           
illustrations :
-photographie de l'auteur (tête de cuir, Nancy Grossman)
-revue Documents.(Messerschmidt et W.B. Seabrook)
-site ARAS pour le
Masque-Janus du Cross-River,Cameroun.

Le propos est partiellement inspiré du texte de Georges Didi-Huberman "la dévoration de l'anthropomorphisme" in La Ressemblance Informe, Macula, 1995, p89 et suivantes.
           
Palais de Tokyo - Paris
du 27 Septembre 2007 au 03 Janvier 2008
      
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attraper les mouches

Fumier