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«Le simulacre n'est jamais ce qui cache la vérité- c'est la vérité qui cache qu'il n'y en a pas. Le simulacre est vrai»
L'ECCLESIASTE citation mise en exergue de Simulacre et Simulation Jean Baudrillard Éditions Galilée, 1981*
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Aujourd'hui, la vérité a le visage de la science. Tout comme la Bible est infinie, on peut imaginer un réel épuisé par la science. Toutes proportions gardées, on peut croire aux papillons ou aux scarabées de combat comme on peut croire aux citations inventées de l'Écclésiaste. Dans le cas de la Bible, c'est Dieu qui parlait. Dans le cas de la science, qui est-ce ? Le danger, nous dit Pascal Bernier, serait de croire que c'est la Vérité elle-même.
(extrait de DITS N°3, texte de Stefan Liberski sur Pascal Bernier "Inventer des réalités" p42). | |||||
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(...) La science a une prétention totalisante et, «demain, elle pourra !». Demain on saura avec certitude que les pâtés de sable sont pour les enfants des armes meurtrières dans leur lutte pour une reconnaissance imaginaire dont nous ne percevons encore que peu de choses. On aura le compte rendu minutieux de l'expérience menée sur les Bonobos qui confirme la volonté d'anonymat de ces grands singes. Demain, on y aura mis l'argent et le temps qu'il faut, une équipe de chercheurs de Palo Alto découvrira que les escargots dessinent bel et bien leurs lentes trajectoires et organisent ensemble des entrelacs colorés. Demain, on apprendra que le coefficient d'excitation sexuelle d'un coït pratiqué par des sexes en plastique est égal sinon supérieur à celui pratiqué «vraiment» par des partenaires qui, il faut bien le dire, sont chaque jour moins assurés de leur réalité. Demain, les ourses s'accoupleront avec des peluches. Demain on aura de cruelles infinités dans une petite boîte de miroirs. On soignera les bêtes sauvages qui auront disparu. Les batailles auront lieu dans des poêles à frire et non plus sur écran. Quant aux souffrances florales, on les identifiera à coup sûr. Et il est d'ores et déjà acquis qu'en 3000, deux imbéciles assis sur un banc évoqueront avec horreur les temps barbares où les humains s'offraient des fleurs. À leur décharge, ces héros plaideront que les barbares d'autrefois n'entendaient rien encore du cri atroce des fleurs coupées, et ils s'échangeront des bouquets de boules en zircon. Demain. Car pour l'heure, c'est toujours Pascal Bernier qui reste l'auteur de ces grandes découvertes. (extrait de DITS N°3, texte de Stefan Liberski sur Pascal Bernier "Inventer des réalités" p43). | |||||
Pascal Bernier est un artiste né en 1960 à Bruxelles. Il y vit et y travaille. | |||||
Portrait | |||||
Les photographies des œuvres sont extraites du site de Pascal Bernier (excepté 8 et 13 extraites de DITS N°3) | |||||
œuvres :
1 : série Accidents de chasse, 1994-2000 , Deer - Faon - 1996 2 : série Accidents de chasse, 1994-2000 , Wild boar - Marcassin - 1997 3 : série Accidents de chasse, 1994-2000 , Deer - Faon - 1996 4 : série W.W.F, 1996-2000, Butterfly-Papillon 1996-1998, insecte naturalisé, cocardes, acrylique 5 : série W.W.F, 1996-2000, Butterfly-Papillon 1996-1998, insecte naturalisé, cocardes, acrylique 6 : série W.W.F, 1996-2000, Butterfly-Papillon 1996-1998, insecte naturalisé, cocardes, acrylique 7 : série W.W.F, 1996-2000, Butterfly-Papillon 1996-1998, insecte naturalisé, cocardes, acrylique 8 : série W.W.F, 1996-2000, Beetle-Scarabée 1996-1998, insecte naturalisé, cocardes, acrylique 9 : série W.W.F, 1996-2000, Butterfly-Papillon 1996-1998, insecte naturalisé, cocardes, acrylique 10 : Snails Attractors, 2000-2002, coquilles d'escargots, acrylique sur toile 11 : Snails Attractors, 2000-2002, coquilles d'escargots, acrylique sur toile (détail) 12 : Snails Attractors, 2000-2002, coquilles d'escargots, acrylique sur toile 13 : Pâté de sable, série Beach Guns, 1998 14 : Snails Attractors, 2000-2002, coquilles d'escargots, acrylique sur toile 15 : Safe sex, 2002, capture vidéo 16 : Bipolar perversion - 2001, ours polaire naturalisé, ours en peluche 17 : The morning after the evening before, 2008, bois, miroirs, sable, squelettes, confettis 18 : Elephant - Éléphanteau, 2000 19 : Cooked battle, 2005 20 : Flowers Serial Killer - 2000, capture vidéo | |||||
* Cette citation mise en exergue de Simulacre et Simulation n'a rien de biblique. Elle est une invention de Jean Baudrillard, l'auteur du livre. Personne n'a remarqué la supercherie, ce qui n'est guère étonnant. Chacun croit que la Bible est «inépuisable» et personne ne s'étonnera jamais qu'on puisse tout y découvrir. Cette citation fausse a donc eu un effet de vérité. Elle le garde toujours. (extrait de DITS N°3, texte de Stefan Liberski sur Pascal Bernier "Inventer des réalités" p39-40).
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Inspiré des manipulations génétiques ou de la chirurgie plastique, la star américaine Matthew Barney, invente le monde de demain. Sculpture, installation ou film avec Cremaster Cycle, à 35 ans le compagnon de Björk explore de nouvelles matières.
source : arte, Tracks 7 juillet 2005 | |||||
photographies : captures d'écran, The Order | |||||
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clic pour agrandir | |||||
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Une sirène (écureuil...). Un cochon-geai. Une tauperruche, etc. Thomas Grünfeld fabrique ces animaux impossibles, comme d'autres artistes (Joan Fontcuberta, Iris Schieferstein, etc.), qui utilisent la taxidermie. | |||||
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Thomas Grünfeld est allemand. Il est né en 1956. | |||||
Les pièces de Thomas Grünfeld sont toujours ambiguës, hybrides plutôt. Elles provoquent chez le spectateur séduction et malaise et suscitent de profondes interrogations sur la nature de l’art, sur le statut des objets artistiques en général. Le travail de Grünfeld est né d’une réflexion sur l’anti-esthétisme des années 80 et d’une critique ironique de la "Gemütlichkeit" (cette satisfaction si allemande du bien-être qu’on n’éprouve que chez soi), qui a produit aussi bien la tradition des trophées de chasse que des cabinets d’amateurs du 18e siècle. Tout à la fois absurde et déroutant, l’univers de Grünfeld dérange autant par ce qui est montré que par ce qu’il suggère.
source : galerie Philippe JOUSSE | |||||
photographies, sources : | |||||
1 : Misfit, écureuil/anguille, taxidermie (chimères du Château de Oiron). | |||||
2 : Misfit, cochon/oiseau, taxidermie. | |||||
3 : Misfit, mouton/bouvier, 2007, taxidermie. | |||||
4 : Misfit, antilope, taxidermie.. | |||||
5 : Misfit, taupe/perruche, taxidermie. | |||||
6 : Misfit, renard/bird/cygne, taxidermie.. | |||||
7 : Misfit, poulain/chien, 1996, taxidermie. | |||||
8 : Misfit, cygne/ragondin/âne, 2001, taxidermie. | |||||
9 : Misfit, autruche/coq/âne, 2006, taxidermie. | |||||
10 : Misfit, vache, taxidermie. | |||||
11 : Misfit, St Bernard/mouton, 1994, taxidermie. | |||||
12: Misfit, cerf/girafe, 2006, taxidermie. | |||||
13 : Misfit, adulte et petit, 2008, taxidermie. | |||||
14 : Misfit, marcassin/perruche, taxidermie. | |||||
15 : Misfit, flamand, 1998, taxidermie. | |||||
16: Misfit, blaireau/agneau, taxidermie. | |||||
lien sur la pratique de la taxidermie | |||||
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Noumenon, Charles Avery |
En mai 2010 le Plateau présentait la première exposition personnelle en France de l'artiste écossais Charles Avery. «Onomatopoeia Part 1» fait partie du projet épique The Islanders auquel l'artiste se consacre depuis 2004. À travers l'écriture, le dessin, la sculpture et des installations multiples, l'artiste décrit l'histoire et la culture d'une île imaginaire dont Onomatopoeia (Onomatopée) est la ville centrale. Il est le narrateur, un explorateur qui découvre cette île peuplée d'êtres étranges: des hybrides mystérieux comme la souris-pierre (moitié rongeur, moitié minéral), des chasseurs à la recherche d'une bête sauvage, Noumenon, que personne n'a encore vue, une créature vilaine et bossue, Coscienza, qui fut jadis une femme noble et qui suscite aujourd'hui un sentiment de culpabilité. Les premiers habitants, les If'en (Si'ou), ont disparu, massacrés par la colonisation humaine. |
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doggerfisher.com |
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Iris Schieferstein | |||||
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un clic pour agrandir | «Ne pourrait-on pas vous qualifier d'artiste du simulacre ? » demandait Ingrid Jurzak à Joan Fontcuberta dans un entretien daté de mars 2005*. «En effet, répondait l'artiste, pour moi le simulacre doit être orienté dans trois directions par rapport au réel : la critique, la parodie ou la déconstruction». On pourrait partir à la recherche des traits distinctifs du simulacre dans cette série Fauna sur laquelle l'artiste, en collaboration avec son ami Pere Formiguera, a travaillé de 1987 à 1989. Ce projet Fauna, finalement, qu'est-ce-que c'est ? Reprenons la présentation qu'en faisait Nathalie Parienté, commissaire de l'exposition Science-Friction du Musée de l'Hôtel-Dieu, à Mantes-la-jolie en 2005 pour son catalogue (page 14) : | ||||
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| Mythologie, paléonthologie, bestiaire médiéval, sciences naturelles, littérature, cinéma : le travail de préparation et de recherches de Joan Foncuberta a des aspects très variés et est surement considérable dans la mesure où il souhaite donner du crédit à cette entreprise. Mais, pour monter de toutes pièces un simulacre comme c'est le cas dans le projet Fauna, il n'est pas non plus nécessaire d'être spécialiste dans tous les domaines abordés. «Plus que d'assimiler certains contenus, ma démarche est souvent de m'en approprier la rhétorique» déclarait l'artiste en 2005. À ce titre le simulacre nécessite la déconstruction d'un réel préalable : savoir quels sont ses constituants afin de mieux rebâtir la fiction ; puis Fontcuberta va échafauder un dispositif fondé sur une parodie qui contiendra une dimension critique. Le simulacre, dit-on, est une apparence sensible qui se donne pour la réalité. Au sein de ce dispositif, tout reposera donc sur les formes données à cette réalité. | ||||
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La présentation
Ingrid Jurzak : «L'importance du dispositif de présentation est indéniable dans la plupart de vos fictions. L'exposition serait-elle le seul mode efficace de diffusion de fictions telles que Fauna, Spoutnik, L'Artiste et la photographie, Les Retsch-Cor ou L'Île aux Basques ? En quelque sorte, l'institution -musée, centre d'art ou muséum d'histoire naturelle - cautionne votre fausse démonstration. En l'impliquant au titre de complice de votre supercherie, remettez-vous en cause l'autorité de l'institution muséale comme instance de validation des savoirs (muséum) et des œuvres (musée) ? » | | ||||
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Joan Fontcuberta : «Je crois que la mise en question de toute forme d'autorité est le premier devoir de l'artiste : pour que celle-ci ait un sens et soit prise au sérieux, l'artiste doit commencer par mettre en doute l'autorité qui lui est la plus proche, celle des institutions artistiques elles-mêmes (l'Académie, le musée, la galerie, la collection, l'histoire de l'art, le discours critique, etc.).** | |||||
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Il en sera ainsi pour le projet Les Sirènes de Digne une quinzaine d'années plus tard (voir, ci-dessous, la vidéo d'une salle de présentation de ce projet dans le cadre muséal) : | |||||
Salle de l'Hydropithèque - Joan Fontcuberta par cairnmusee | |||||
Botanique, zoologie, paléontologie, ethnologie… le photographe et plasticien catalan s’approprie et détourne les codes scientifiques pour mettre en scène ses chimères. Ce faisant, il questionne la notion de vérité et la manipulation de l’information, avec un savant mélange d’humour, d’imaginaire et de rigueur, quasi scientifique. À la Réserve Géologique de Haute-Provence à Digne, on peut voir, incrustés dans la paroi rocheuse, les 3 fossiles d’hydropithèques découverts en 1947 par le père Jean Fontana. Des fossiles de sirènes, vieux de 18 millions d’années ! Ces êtres que l’on croyait légendaires représentent le chaînon manquant entre l’homme et les mammifères marins. On voit leur silhouette anthropomorphe, leur colonne vertébrale se terminant par une queue de poisson. Cette fabuleuse découverte n’a été révélée qu’en 2000, par un certain Joan Fontcuberta, prétendu journaliste scientifique au National Geologic… Vrais faux fossiles, images d’archives, pseudo article scientifique, mise en scène aux côtés de vrais fossiles dans une institution scientifique, narration de la découverte rappelant celle de Lascaux : tous les ingrédients sont là pour nous faire douter. De fausses informations, mises en scène comme des vraies. Cette facétie n’est pas sans rappeler l’affaire de l’Archaeoraptor, en 99, ce fossile de dinosaure à plumes, contrefait par des paysans chinois à partir de deux fossiles différents, et qui avait fait la une du National Geographic. (citation, voir site Le Grand Public) | |||||
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| Joan Fontcuberta, nous l'avons vu, se perçoit comme artiste du simulacre, comme il l'a affirmé à l'occasion de son entretien avec Ingrid Jurzak. Le simulacrum était la représentation, non des âmes mais des corps. Mais c'était aussi, initialement, ces mannequins d'osier dans lesquels on enfermait des hommes vivants que l'on brûlait en l'honneur des dieux. L'acte n'est pas mince et le symbole, fort. Les mots font autorité et nous assènent le poids de leur héritage. C'est aussi pour cela que Joan Fontcuberta fait reposer son récit et ses découvertes sur la figure du savant, celui dont le langage scientifique ainsi que les connaissances sont indiscutables : le Professeur Ameisenhaufen dont il exposera les photos d'époque dans les vitrines, à côté des travaux du chercheur. Autant de gages de l'existence de l'homme que de celle de ses recherches. «La photographie est aussi un genre d'écriture, un langage écrit, déclare Fontcuberta dans son ouvrage Le Baiser de Judas (p45). Cependant, elle est apparue quand les dieux avaient déjà abandonné les hommes, et quand l'esprit positiviste avait envahi le monde moderne». . | ||||
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Pour finir sur les chimères aquatiques, la photographie en haut de page présente un "exemplaire de l'Ictiocapra Aerofagia dans son environnement naturel". On y aperçoit l'animal -une espèce de poisson dressé sur ses pattes postérieures- qui s'extrait de l'eau et s'apprête à gravir le rocher, figure archétypique d'un de nos ancêtres passant du milieu aquatique à la terre ferme. Ce spécimen aurait beaucoup à nous apprendre de nos origines. Malheureusement, la fiche zoologique figurant au côté de la photographie indique : «Fiche perdue, aucune information disponible». En revanche, beaucoup d'informations sur «le chaînon manquant», l'Hydropithèque de la série Les Sirènes de Digne (2000). Mais là aussi, très peu d'efficacité : le spécimen -s'il est très bien conservé et correctement restitué à notre connaissance, grâce au travail archéologique- demeure une forme, une simple forme même si celle-ci est extraordinaire. C'est Joan Fontcuberta qui concluera en déclarant dans un entretien qu'il a donné à Marcel Fortini -directeur du Centre méditerranéen de la photographie- en avril 2003 :«L'archéologie ne consiste pas à faire des fouilles et à trouver des objets, mais juste à leur donner un sens»***. | |||||
*catalogue de l'exposition Joan Fontcuberta.Sciences-Frictions - Musée de l'Hôtel-Dieu de Mantes-la-Jolie (Nathalie Parienté, commissaire de l'exposition), p99 ** idem, entretien avec Ingrid Jurzak, p102 *** Du réel à la fiction-la vision fantastique de Joan Fontcuberta, Robert Pujade, Isthme Éditions, p26 | |||||
voir Joan FONTCUBERTA, Fauna .1 | |||||
voir, ou revoir, la série Herbarium de Joan FONTCUBERTA | |||||
Les images qui figurent sur cette page sont extraites du catalogue de l'exposition Joan Fontcuberta.Sciences-Frictions qui a été présentée du 9 avril au 3 octobre 2005 au Musée de l'Hôtel-Dieu de Mantes-la-Jolie -Nathalie Parienté, commissaire de l'exposition- (photos 1, 2, 3, 6) ou de l'ouvrage consacré à Joan Fontcuberta par Robert Pujade, Du réel à la fiction-la vision fantastique de Joan Fontcuberta, Isthme Éditions (photos 4 et 5) | |||||
Références :
Le Baiser de Judas -Photographie et vérité, Joan Fontcuberta, Éditions ACTES SUD, 2005
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photographies :
1 : Ictiocapra Aerofagia, série Fauna (fiche zoologique du professeur Ameisenhaufen) 2 : squelette du Felis Pennatus, série Fauna, Barcelone, 1986 3 : installation de Fauna, MoMA, New York, 1988 4 : Hydropithèque de Tanaron, extrait de L'Hydropithèque dans le paysage de Haute-Provence, reportage du National Geologic, in Les Sirènes de Digne, 2000 4 bis : fossile de sirène (source) 5 : esquisse de Jean Fontana montrant les restes d'un hydropithèque, extrait de Les Sirènes de Digne, 2000 (graphite sur papier, 21x29cm) 6 : Le Docteur Peter Ameisenhaufen (1895-1955), série Fauna, Barcelone, 1986 | |||||