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21 juillet 2007 6 21 /07 /juillet /2007 22:52
    Jean-Philippe Charbonnier
représentations de la folie, de l'écart, du dérèglement




Charbonnier-200.jpg
 
En 1954 Jean-Philippe Charbonnier enquête sur les hôpitaux psychiatriques en France. La série qu'il ramène est magnifique. Certains tirages sont publiés dans le magazine Réalités en janvier 1955 ; le titre de l'article est :
Ce qui arrive aux 100 000 Français que l'on a déclarés BONS POUR L'ASILE!

En 2006 à l'initiative de la galeriste Agathe Gaillard, paraît un ouvrage intitulé Jean.Philippe Charbonnier. HP. hôpitaux psychiatriques.

Il est possible de voir certaines photographies de cette série de Jean-Philippe Charbonnier sur le site Luminous-lint.
                   
                   
photographie : Hôpital de Clermont, 1954, ©Jean-Philippe Charbonnier


liens :
* Galerie Agathe Gaillard, Jean-Philippe Charbonnier
* bio de Jean-Philippe Charbonnier
                   
                   
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20 juillet 2007 5 20 /07 /juillet /2007 18:06
    Georges Didi-Huberman
représentations de la folie, de l'écart, du dérèglement




«Voilà la vérité»


Voilà la vérité. Je n'ai jamais dit autre chose ; je n'ai pas l'habitude d'avancer des choses qui ne soient pas expérimentalement démontrables. Vous savez que j'ai pour principe de ne pas tenir compte de la théorie et de laisser de côté tous les préjugés : si vous voulez voir clair, il faut prendre les choses comme elles sont. Il semble que l'hystéro-épilepsie n'existe qu'en France et je pourrais même dire et on l'a dit quelquefois, qu'à la Salpêtrière, comme si je l'avais forgée par la puissance de ma volonté. Ce serait chose vraiment merveilleuse que je puisse ainsi créer des maladies au gré de mon caprice et de ma fantaisie. Mais à la vérité, je ne suis absolument là que le photographe ; j'inscris ce que je vois...*

Cette étonnante déclaration émane du Professeur Charcot, médecin à la Salpêtrière à la fin du XIXème siècle. Elle renvoie à ce que pourrait être «l'invention» d'une maladie et puis elle pose le rapport intime et fort de cette maladie à l'image par le biais d'une métaphore : celle de la photographie. Et si ce n'était qu'une métaphore... Il se trouve au contraire que la maladie mentale, et plus particulièrement l'hystérie, est liée à l'image  véhiculée par l'utilisation quasi scientifique et à grande échelle de la photographie.

La Salpêtrière, à la fin du XIXème siècle, s'apparente à un enfer. Cet enfer est celui des femmes folles : des emmurées vivantes, des incurables, des femmes différentes, des hystériques. Charcot va procéder à des expérimentations en utilisant notamment l'hypnose.
Et puis, il va faire appel à des professionnels chargés de garder des traces photographiques des troubles mentaux de ces femmes et de leur corps. Mais cette entreprise ne peut pas faire autrement que de «composer», de créer des situations, d'organiser des mises en scène pour des raisons variées qui sont dues à plusieurs facteurs ; certains, évidents, comme les contraintes liées à ce nouveau médium qu'est la photographie (les temps de pose, encore très longs, empêchent toute prise instantanée qui ne peut se faire que dans une recréation, un jeu de la malade pour le photographe) ; d'autres d'une grande complexité qui font entrevoir le jeu de séduction entre la femme hystérique et le médecin.

Ces photographies sont consignées dans un ouvrage d'époque intitulé : Iconographie photographique de la Salpêtrière. Il s'agit d'un recueil de planches déclinant  tous les délires et qui montre l'importance accordée à la fonction et au rôle de la photographie par ces scientifiques du dernier tiers du XIXème siècle.

Georges Didi-Huberman a consacré un livre passionnant à l'étude de cet ouvrage : Invention de l'hystérie. Sa qualité d'historien de l'art lui a permis d'appréhender les images qu'il avait sous les yeux autrement que du simple point de vue médical. Il montre comment Charcot se révèle  un véritable «artiste» en son genre. Didi-Huberman fait prendre conscience de la véritable systématisation  et de l'application de ce nouveau médium qu'est la photographie et  la mise en place d'une réelle volonté de penser une méthode : «Mais la grande manufacture  d'images , ce fut encore la Salpêtrière. La fabrication y fut méthodique et presque théorisée (...) C'est ainsi que la pratique photographique accéda tout à fait à la dignité d'un service d'hôpital»**

Et puis, il y a des cas exemplaires comme celui d'Augustine (photo), largement décliné dans l'ouvrage. Ce personnage, entré à quinze ans et demi dans le service de Charcot, est la figure de référence de l'ouvrage, une figure enchassée dans d'étonnantes mises en scène, se prêtant à toutes les formes de théâtralité, adoptant les poses parfois  les plus codées,
les plus référentielles au champ de l'imagerie de la chrétienté.
Plusieurs planches font entre autre référence à «l'extase»
(photographie ci-dessus). Ce sentiment se situe aux confins de la sphère esthétique, religieuse et sexuelle.  Les poses extraordinaires, soignées, sont visiblement faites pour être photographiées.  Les gestes, extravertis, amplifiés, relèvent du vocabulaire baroque (pensons à l'Extase de Sainte-Thérèse du Bernin, à Rome).
 
Freud était l'élève de Charcot et a donc assisté à  la mise en place de ce système et des pratiques médicales qui utilisaient la photographie afin de mettre en scène ces corps féminins 
théâtraux, abandonnés, désirants et séducteurs. Georges Didi-huberman en vient à se poser la question du charme. : «La médecine de l'hystérie vivrait-elle dans le risque ? Le risque d'un charme ?  Un charme, oui. A la Salpêtrière, cet enfer, les hystériques n'ont pas cessé de faire de l'œil à leurs médecins. Ce fut une espèce de loi du genre, non seulement la loi du fantasme hystérique (désir de captiver), mais encore la loi de toute l'institution asilaire elle-même. Et je dirai que celle-ci avait structure de chantage : en effet, il aura fallu que chaque hystérique fasse montre, et régulièrement, de son orthodoxe «caractère hystérique» (amour des couleurs, «légèreté», extases érotiques...) pour ne pas être réaffectée au «Quartier», très dur, des toutes simples et incurables Aliénées».***

Cet épisode de la Salpêtrière, animé par un esprit a priori scientifique, aura eu l'avantage de montrer combien la volonté de représenter l'irreprésentable, peut générer elle-même de l'écart, du dérèglement, et une certaine forme de folie esthétique.



        
                   
photographie :Photographie d'Augustine, Iconographie photographique de la Salpétrière  Tome II , in Invention de l'hystérie, Georges Didi-Huberman, Éditions Macula, Paris 1982, p. 144

* texte cité : Charcot. 1887/88 p. 178, citation in Invention de l'hystérie, Georges Didi-Huberman, Éditions Macula, Paris 1982, p. 32
** Ibid, p. 47
*** Ibid, p. 168



lien : biographie du Professeur Jean-Martin Charcot
                   
                   
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19 juillet 2007 4 19 /07 /juillet /2007 09:54
    Ein Stück Papier mit schwarzen Strichen darauf
représentations de la folie, de l'écart, du dérèglement



wittgenstein-200.jpg 
"Ne pourrait-on tenir pour un cas de démence celui où un homme, reconnaissant dans un dessin le portrait de N. N., s'écrierait : " C'est monsieur N. N. ! "
- "Il doit être fou", dirait-on de lui, "il voit  un morceau de papier avec des traits noirs dessus (ein Stück Papier mit schwarzen Strichen darauf), et il prend ça pour un homme ! ".

Ludwig Wittgenstein
 
                   
                   
photographie : Ludwig Wittgenstein
citation :Remarques sur la Philiosophie de la Psychologie, trad fr., t. I, Paris, 1989, p. 200.


                   
                   
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18 juillet 2007 3 18 /07 /juillet /2007 08:52
    Joel-Peter Witkin
représentations de la folie, de l'écart, du dérèglement


witkin6-200.jpg L'objectif annoncé étant d'épingler quelques images de représentations de la folie, de l'écart ou du déréglement, des noms semblent s'imposer et celui de Joel-Peter Witkin en fait partie.
Dans l'œuvre abondante de cet artiste américain, n'importe quelle image aurait sa légitimité -j'ai d'ailleurs hésité à choisir celle-ci plutôt qu'une autre-.  Et pourtant Witkin, qui est professeur de photographie aux États Unis, est loin d'être fou. C'est bien l'univers qu'il a créé dans son œuvre qui a construit cette image glauque, inquiétante, morbide, terrifiante et étrangement envoûtante d'une folie artistique.
Sur le site de la galerie parisienne Baudouin-Lebon*, Joel-Peter Witkin déclare : «...je sais que le fondement de tout mon travail repose sur le désespoir  de l'âme. Mes bienfaiteurs photographiques sont morts. Je vis pour créer des images représentant la lutte pour la rédemption des âmes.» Et s'il évoque les âmes, c'est bien des corps qu'il traite.  Et ces corps qu'il met en situation dans ces photographies extrêmement élaborées sont des corps complètement étrangers à notre ordinaire. En effet, Witkin n'hésite pas à avoir recours  à des cadavres qu'il va exhumer des morgues, à des spécimens de foire présentant des anomalies, des malformations, ou bien encore à des individus marqués par des ambiguïtés sexuelles souvent spectaculaires.
Les mises en scène, les lumières, les constructions de l'espace et de l'image elle-même, les apports purement plastiques (interventions directes sur la matrice) produisent des objets photographiques de très grande qualité.

Ces pratiques de l'utilisation et de la représentation du corps humain peuvent évidemment nous faire horreur, nous révolter, mais il faut avoir conscience que
ces extravagances, ces écarts,  sont habituels dans la peinture classique (il suffit de traverser un certain nombre de salles du musée du Louvre pour s'en convaincre), et que cet état de fait n'est jamais remis en question. Joel-Peter Witkin revendique d'ailleurs sa place au sein d'une filiation dans une histoire de l'art générale ; ses photographies font habituellement référence à des maîtres ou à des toiles d'un grand classicisme (Rubens, Botticelli, Velazquez, Courbet , etc.).

Alors, avec Witkin aurait-on affaire à des représentations d'une folie soigneusement pensée, raisonnée ? Ou bien à la démarche d'un
individu-artiste  raisonnable qui produit une œuvre infréquentable pour la raison ?

                   
                   
photographie : "Man without a Head",  1993   ©Joel-Peter Witkin
extrait de 
Witkin, texte de Germano Celant,  Éditrions Scalo,1995, illustration 102

*Galerie Baudouin-Lebon

                   
                   
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17 juillet 2007 2 17 /07 /juillet /2007 07:13
    David Nebreda
représentations de la folie, de l'écart, du dérèglement


nebreda1-150.jpg
Chez vous il n'y a pas de trucage !

Non, et c'est un point fondamental. Tout ce que l'on voit est ce que l'on voit. Mon activité est très simple. Je n'ai pas besoin d'interprétation. Le sang est mon sang, les excréments sont mes excréments, les photographies sont des photographies directes non manipulées, même la peur ou l'isolement sont une peur et un isolement sans nuances. La convention de pathologie mentale est une convention réelle, si on l'accepte, elle n'a pas besoin non plus d'interprétation *

David Nebreda est cet artiste espagnol qui produit une œuvre à la fois d'écriture et de photographie. Et ses photographies, s'il vous est arrivé d'en voir, vous ne pouvez pas les oublier. L'individu  met en scène son corps. Il parle de lui à la troisième personne du singulier. Et pour ce qui est de la singularité, c'est quelqu'un d'extra-ordinaire. Cet artiste n'est pas dans la représentation mais bien dans la présentation : un corps cadavérique, couvert de stigmates, de plaies, de sang, un corps souffrant fait  d'auto lacérations, d'auto mutilations qui s'étale généreusement dans toute sa gloire et dans tout son pouvoir ; un pouvoir capable de générer autant l'excécration que la fascination.

Au premier abord, les photographies de David Nebreda renvoient tous les signes d'une folie extrême ; s'il était encore besoin de nous convaincre du contraire, rappelons que Nebreda a séjourné dans des hôpitaux psychiatriques à différentes reprises. Mais à la lecture des textes qu'il écrit et qui  accompagnent
ces photographies, nous sommes frappés par la rigueur, la finesse de la pensée et par la culture de l'artiste ; ce qui nous entraîne à considérer ses photographies assez différemment.
Il y a quelques mois, j'avais déjà eu l'occasion de consacrer un billet à un portrait de David Nebreda en m'interrogeant sur les limites de l'autoportrait ; il s'agissait d'un autoportrait-tabou, dans lequel le visage avait disparu, un autoportrait sans tête réellement apparente comme si ces manifestations photographiques de la folie  devaient se doubler d'une sorte de décollation, au moins symbolique. Je m'aperçois que dans cet autoportait d'aujourd'hui, la tête a encore disparu...

        
                   
photographie :Série autoretratos, "Après huit séances d'incisions sur la poitrine et les épaules, il atteint à une certaine tranquillité, l'hommage et le tribut étant alors accomplis" 29 juillet 1989   ©David Nebreda
extrait de 
David Nebreda et le double photographique, article Art Press N° 255 de mars 2000,
p 53
* texte : entretien David Nebreda avec Catherine Millet, même article p 54
                   
                   
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16 juillet 2007 1 16 /07 /juillet /2007 07:13
    Diane Arbus
représentations de la folie, de l'écart, du dérèglement


arbus2-150.jpg  Diane Arbus n'avait pas coutume de fabriquer   des représentations de la folie ; enfin, pas au sens strict. Certes, les handicapés mentaux peuvent habiter certaines de ses images mais au même titre que d'autres marginaux à priori «sains d'esprit».  Les individus qu'elle isole dans ses photographies appartiennent en effet aux marges et ces «marginaux» donnent souvent l'impression d'être désespérément en quête de normalité. Mais ces gens «normaux» sur lesquels elle s'est arrêtée présentent des symptômes plus ou moins marqués qui les placent à la marge, qui leur confèrent un statut d'exception, un décalage qui nous les rend étranges voire étrangers. La frontière qui sépare le simple écart de la folie n'est jamais loin.
J'ai choisi  cette photographie de Diane Arbus -publiée dans Esquire en juillet 1960-  parce qu'elle est moins célèbre que d'autres et puis surtout parce qu'elle porte dans son titre les signes manifestes d'une folie annoncée très clairement : Walter Gregory, the Madman from Massachusetts. Les signes d'une folie annoncée ne sont pas plus tangibles ici que dans d'autres photographies d'individus repérés et photographiés par l'artiste ; plutôt moins d'ailleurs que dans beaucoup d'autres.
Il s'agit pourtant bien d'histoires de signes, voire de stigmates.

Qu'est-ce qui motivait donc tant Diane Arbus dans sa quête d'individus décalés ? Au regard de l'ensemble de ce que l'on connaît de son œuvre, il est tout à fait légitime de penser que ce sont vraisemblablement les signes sur le corps, les déformations, les atrophies ou hypertrophies, les meurtrissures et stigmates en tout genre : toutes les approximations et exagérations du corps qui marquent l'écart, le dérèglement et confinent accessoirement à la folie.
        
                   
photographie : Walter Gregory, the Madman from Massachusetts (Walter Gregory, l'homme fou du Massachusetts ), publié dans Esquire ("The Vertical Journey")1960,  ©Diane Arbus
extrait de  Diane Arbus Revelations, Éditions Schirmer Mosel, Munich, 2003, p 146. 
                   
                   
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15 juillet 2007 7 15 /07 /juillet /2007 08:49
    Diane Arbus
représentations de la folie, de l'écart, du dérèglement


arbus4-150.jpg Si l'on décide d'épingler arbitrairement quelques images de représentations de la folie, de l'écart ou du dérèglement, la figure de Diane Arbus  est incontournable. Mais précisément pas dans cette photographie.
La femme sans tête de Diane Arbus est tout simplement là pour faire  écho à cet homme sans tête photographié par Raymond Depardon dans l'hôpital psychiatrique de San Clemente, au large de Venise au début des années 80...
Ici tout est codé : le lieu, les circonstances, la personne photographiée, le dispositif, la prise de vue, etc. S'il y a écart, dérèglement ou folie, c'est bien dans la mise en scène du regard et de ce que cela produit.
                   
                   
photographie : Headless woman (femme sans tête), N.Y.C, 1961,  ©Diane Arbus
extrait de  Diane Arbus Revelations, Éditions Schirmer Mosel, Munich, 2003, p 254. 
                   
                   
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14 juillet 2007 6 14 /07 /juillet /2007 19:00
      Raymond Depardon
représentations de la folie, de l'écart, du dérèglement



depardon-200.jpg L'envie d'épingler quelques images des représentations de la folie, de l'écart ou du dérèglement et cette photographie de Raymond Depardon s'impose.
Elle condense à elle seule tout ce qui est de l'ordre de l'inatteignable, du sans-nom, du sans-fond : un chaos définitif.
Et ceci pour l'unique raison que nous sommes bien en présence d'un homme.
Cette image, je continue à la trouver bouleversante.

Raymond Depardon se rend
à San Clemente  au début des années 80. San Clemente, c'est «l'île aux fous», au large de Venise. Il s'agit d'un hôpital psychiatrique qui s'étend sur toute l'île et qui va être détruit.
Raymond Depardon s'y rend une première fois, ramène des photographies étonnantes puis l'idée qu'il doit y retourner avec une caméra s'impose. Ce qu'il va faire, en compagnie de Sophie Ristelhueber.
Il en fera un film documentaire d'une force et d'une beauté inhabituelles qui constituera une sorte d'avancée et de référence.
         
         
         
photographie : San Clemente, Venezia, 1984,  ©Raymond Depardon


quelques références :

* San Clemente par Depardon
* parcours de Raymond Depardon

         
         
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9 juillet 2007 1 09 /07 /juillet /2007 14:45
espace-holbein interdit en Chine
 
chine-700.jpg
 
 
 
 
 
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30 juin 2007 6 30 /06 /juin /2007 16:40
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attraper les mouches

Fumier