28 décembre 2006
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Douglas Huebler dépeindre | |||||||||
Le cadeau de Noël | |||||||||
50 copies originales de la présente déclaration (dont le prix a été fixé à 150 $) constitueront l'unique forme de cette œuvre pendant une période indéterminée. Quand l'édition sera entièrement vendue, à 50 différents «propriétaires» normalement, la somme nette récoltée par cette vente sera utilisée pour organiser et finaliser cette œuvre. Tous les documents liés à l'accomplissement du projet seront alors joints au présent énoncé pour donner à cette œuvre sa forme finale et chaque propriétaire recevra copie desdits documents Douglas Huebler Duration piece # 8, Global, January 1970. | |||||||||
Ne vas surtout pas croire tout ce qu'on te dit, lecteur... | |||||||||
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Raymond Roussel, une machine formidable dépeindre | |||||||||
| «Soudain un léger frisson agita, en face du chevalet, le bras automatique (...) Le bras se tendait lentement vers la palette, pendant que la roue horizontale et sans jante créée à son extrémité par l'étoile des pinceaux, s'élevait (...) Les deux mouvements combinés conduisirent la pointe d'un des pinceaux sur une épaisse provision de couleur (...) Le bras pivota doucement et s'arrêta en haut, devant l'angle gauche de la toile soudée au chevalet. Aussitôt le pinceau imprégné de nuance délicate traça automatiquement sur le bord du futur tableau une bande de ciel mince et verticale. Bientôt, plusieurs couleurs primitives, mélangées à une autre portion de la palette, composèrent une teinte (...) qui, transposée sur le tableau, continua le ruban vertical déjà commencé». | ||||||||
Une grande partie de l'œuvre de Raymond ROUSSEL renvoie dans l'esprit, sinon dans la forme, à l'invention de tableaux imaginés (La Vue, Le Concert, La Source, les visions des lorgnettes-pendeloques que devaient contenir les Nouvelles Impressions d'Afrique...) Mais plus précisément, dans Impressions d'Afrique, l'auteur met en place une très curieuse mécanique qu'il emploie aux fins de lui faire réaliser un tableau. Le roman qui narre les aventures d'un groupe de voyageurs au sein d'une Afrique de fiction, donne avec précisions les détails de nombreuses inventions qui jalonnent le récit et, entre autres, celle de Louise Montalescot : une «machine à peindre». L'auteur décrit avec la minutie qu'on lui connaît l'appareil compliqué fait de chevalets, de trépieds, de fils conducteurs d'énergie, d'accessoires, d'armatures, d'une palette préparée par avance, les couleurs, par tas isolés, rangées en demi-cercle, d'un lourd coffret dont le couvercle vitré laissait voir plusieurs piles rangées côte à côte, d'une plaque épaisse protégée par un couvercle de métal, d'une grande sphère de métal munie horizontalement d'une sorte de bras pivotant et articulé dont l'extrémité, dirigé vers la palette, porte une dizaine de pinceaux pareils aux rayons d'une roue renversée à plat, enfin, d'une toile neuve, bien tendue sur son cadre intérieur. Quant au sujet du tableau, outre que Roussel ne nous dit qu'il fût peint «avec une merveilleuse sûreté», il n'en parle que fort peu en rapport avec ce qu'il nous dit de la machine et de son fonctionnement. En vérité Raymond ROUSSEL ne dit mot de l'œuvre achevée : il nous donne à connaître le sujet que va peindre la machine mais ne dévoile rien de la toile terminée et de sa qualité. Nous savons seulement que l'appareil est placé devant un paysage où se trouvent les grands arbres de Béhuliphruen, jardin splendide aux essences magnifiques et rares, quand le jour se lève, et que les lueurs de l'aurore créent au travers des feuillages une multitude de teintes variées. Laurent BUSINE texte extrait de : {Des pinacothèques imaginaires} Revue DITS N°7, automne-hiver 2006, p85 | |||||||||
Illustration : Jean Ferry, La Machine à peindre de Raymond Roussel [Dessin reproduit in : Jean Ferry, L'Afrique des Impressions, Paris, J.J. Pauvert, 1967, p100 ©D.R.] liens : * Impressions d'Afrique | |||||||||
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Gradiva dépeindre | |||||||||
Transports et déplacements. Motions et émotions. Elle marche si joliment et les 1800 années qui me séparent de l’objet de mon désir m’envahissent de chagrin et de désespoir. Fétichisme ? Fantasme simple ? La construction est d'évidence compliquée.Celle qui se meut me meut, celle qui se meut m’émeut. | |||||||||
Ce qui relève de l’évidence c’est la manière complètement fantasmatique que cet archéologue va adopter en projetant un désir intime dans un passé excessivement lointain et, d’une certaine manière, exotique, pour mieux lui donner vie et vigueur dans le présent comme si ce désir se trouvait régénéré par ce long détour. Passer par le deuil pour une meilleure renaissance. La mort de Gradiva favorisera et engendrera la vie de Zoé*. Walter Benjamin** va utiliser un procédé similaire en remontant au suicide de la jeune femme afin de mieux considérer l’image qu’il a devant les yeux au moment où il en parle. Il s’agit de «tuer d’abord pour mieux ressusciter» comme l’écrit André Gunthert (ibid. p 121). Un autre exemple fameux concerne un passage du célèbre ouvrage de Roland Barthes, La Chambre Claire. Cet ouvrage, on le sait, a pour objet la photographie et Roland Barthes va y développer notamment une démonstration dite du «noème», plus connue sous l’appellation du «çà a été». Barthes va se servir ici d’une figure qui ressemble aux deux précédentes. Ce texte a été écrit immédiatement après la mort de sa mère. Ce contexte affectif sera déterminant et donc la dimension autobiographique jouera un rôle essentiel dans sa réflexion. Etrangement, la forme qu’il donnera à son style, au moment où il évoque la recherche de la photographie idoine de sa mère, s’écartera des usages de l'écriture utilisée pour les textes théoriques pour adopter un style narratif plus direct. Il ne trouve pas cette image qui représenterait, pour lui, le mieux sa mère et finit par s’arrêter sur une photographie étonnante d’une petite fille qui a été sa mère. Et cette photographie restera pour nous définitivement invisible. Il s'agit de la deuxième partie du livre, celle qui va relancer sa réflexion sur un mode autobiographique. Trouver cette photographie de sa mère enfant serait une sorte de pendant de l’apparition d’une Gradiva surgissant devant son auteur. Nous sommes confrontés à un travail de deuil. Dans les deux cas ? L’un et l’autre renoncent à un objet d’amour. On ne verra vraisemblablement jamais cette photographie dite du «Jardin d’hiver” représentant la mère de Roland Barthes. Elle devient une photographie virtuelle parmi les plus célèbres. A la place, dans son livre La Chambre Claire, Roland Barthes fait figurer une photographie de substitution signée Nadar et légendée par Barthes lui-même : Nadar : mère ou femme de l’artiste. Oedipe, quand tu nous tiens… | |||||||||
* Il se trouve que zoé, c'est la vie, en grec... ** texte évoqué dans l'article d'hier | |||||||||
Cette analyse est fondée sur la lecture d'un texte très intéressant d'André GUNTHERT : Le complexe de Gradiva, Théorie de la photographie, deuil et résurrection, qui fait partie du N°2 de la revue Études photographiques, mai 1997. | |||||||||
liens : - texte de Sigmund Freud, Le délire et les rêves dans la Gradiva de W. Jensen - La Chambre Claire, Roland Barthes, Seuil, 1980 illustrations : La Chambre Claire, Roland Barthes, Gallimard, 1980, p108 | |||||||||
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Gradiva dépeindre | |||||||||
Transports et déplacements. Motions et émotions. "La Gradiva", la jeune fille à la si jolie démarche, celle qui resplendit en marchant, celle qui produit le trouble et le transport amoureux du fait de son simple déplacement, va m’émouvoir, me bouleverser, dans un impossible rapport au temps. Celle qui se meut me meut, celle qui se meut m’émeut. | |||||||||
Le déplacement dans le temps participera à l’émotion. Ces problèmes de représentation, de tentatives de restitution d’images écartelées par le temps et le fantasme, je le disais hier, sont complexes et passionnants. André Gunthert dans son texte* y fait réference à deux reprises, dans une requalification de l’image et de sa perception qui passe par les mots. Le premier exemple qu’il cite concerne une photographie reproduite dans la “Petite histoire de la photographie” (1931) de Walter Benjamin. Le photographe Karl Dauthenbey et sa femme y sont représentés. Walter Benjamin, connaissant l’histoire du triste destin de cette femme qui s’est suicidée après la naissance de son sixième enfant, va développer une vision très émotionnelle de cette image fondée sur l’observation qu’il fera du regard de celle qui va se trancher les veines. Le commentaire qu'il fera de cette image lui servira à démontrer le fait qu’il y aurait dans la photographie en général quelque chose qui excède la représentation («Son regard à elle est fixé au-delà de lui, comme aspiré vers de lointains funestes»). Cette photographie seule ne peut pas nous dire ce drame. Benjamin échafaude ici une construction fondée sur la lecture du livre de souvenirs du fils de Karl Dauthenbey. Dans ce livre (L’Esprit de mon père), Max Dauthenbey va faire la description d’une photographie du couple mais sans la montrer. Et malheureusement pour sa démonstration fondée sur l’émotion, Benjamin va superposer le récit et l’image. Ce qu’il sait n’est pas ce qu’il voit mais il ne le sait pas au moment de sa démonstration. L’émotion l’a transporté… En effet, il y a erreur sur la personne. Celle que l’on voit sur la photographie, celle dont le « regard à elle est fixé au-delà de lui, comme aspiré vers de lointains funestes» n’est pas celle qui s’est suicidée. La femme du portrait du couple est la seconde épouse de Karl Dauthenbey, avec qui il s"est marié deux ans après la mort tragique de sa première femme. Transports et déplacements. Motions et émotions. Celle qui se meut me meut, celle qui se meut m’émeut…. L'autre exemple, j'en parle demain (enfin, peut-être.) | |||||||||
* Le complexe de Gradiva, Théorie de la photographie, deuil et résurrection, qui fait partie du N°2 de la revue Études photographiques | |||||||||
liens : * texte de Sigmund Freud, Le délire et les rêves dans la Gradiva de W. Jensen | |||||||||
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Gradiva dépeindre | |||||||||
Dans Gradiva, nouvelle de Wilhelm Jensen rendue célèbre par son commentaire freudien, un archéologue tombe amoureux d’une jeune fille représentée sur un antique bas-relief. «Il tisse autour d’elle ses fantaisies, il lui imagine un nom [Gradiva] et une origine, il transporte cet être qu’il a créé dans la ville de Pompéi, ensevelie voici plus de 1800 ans.» | |||||||||
Il se rend sur les lieux et, au cours d’une rêverie diurne, «tandis qu’il anime ainsi le passé par son imagination, il voit soudain, sans pouvoir en douter, la Gradiva de son bas-relief sortir d’une maison et, d’un pas léger, gagner […] l’autre côté de la rue.» On apprendra par la suite que la jeune fille aperçue par l’archéologue est une amie d’enfance – à qui son sentiment amoureux s’adressait en réalité, via le détour de cette construction fantasmatique complexe. A l'exemple de Roland Barthes, oublions un instant cette fin et la leçon qu'en tire Freud, pour ne conserver que l'épure du délire de reviviscence que propose le conte de Jensen. Celui-ci se présente comme une variation sur le très ancien motif qui, de Pygmalion au Portrait de Dorian Gray, prête vie à la représentation - mais avec cette particularité que la dimension historique y remplit une fonction éminente. André GUNTHERT Le complexe de Gradiva, Théorie de la photographie, deuil et résurrection | |||||||||
Ce texte d'André Gunthert, est extrait de : Le complexe de Gradiva, Théorie de la photographie, deuil et résurrection, qui fait partie du N°2 de la revue Études photographiques, p 115 | |||||||||
On peut aussi aborder l'histoire autrement : Dans le roman de Jensen, longuement étudié par Freud, un jeune archéologue Norbert Hanold tombe amoureux d'une statue de pierre. Il l'appelle, en raison de sa très jolie démarche, "La Gradiva", celle qui resplendit en marchant. Une nuit il fait un cauchemar qui inaugure son délire. Il découvre que Gradiva est en fait une jeune pompéienne morte il y a deux mille ans. Elle a été ensevelie sous une pluie de cendres dans les ruines de sa ville au moment de l'éruption du Vésuve. Sous l'influence de ce rêve, il part aussitôt en voyage en Italie et se retrouve errant sans but dans les rues de Pompéi. Soudain Il rencontre, dans l'atrium d'une maison, une jeune fille. Il pense aussitôt que c'est une apparition, le spectre de cette Gradiva revenue hanter les lieux aux chaudes heures de midi, mais c'est, en fait, l'espiègle et charmante Zoé, son amie d'enfance qui est, elle aussi, venue visiter ces lieux. Celle-ci constate l'état mental désastreux du jeune homme et accepte de se déguiser en Gradiva pour réussir à le guérir de son délire et surtout réveiller à nouveau son amour pour elle. Elle réussit pleinement dans son entreprise. C'est une vraie psychanalyste de rêve. Liliane FAINSILBER extrait du site Le goût de la psychanalyse texte intitulé "Que reste-t-il de nos amours…" | |||||||||
Dépeindre. Ces problèmes de représentation, de tentatives de restitution d'images écartelées par le temps et le fantasme sont complexes et passionnants. Finalement, je m'y intéresse demain (peut-être). | |||||||||
liens : * texte de Sigmund Freud, Le délire et les rêves dans la Gradiva de W. Jensen | |||||||||
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David Rosenfeld - Regards insaisissables dépeindre | |||||||||
La proche inconnue est l'idéale étrangère. Ne te donne pas ! | |||||||||
David Rosenfeld extrait du site de David Rosenfeld, entretien. | |||||||||
Le photographe David Rosenfeld réalise depuis plusieurs années des portraits d'un même modèle aux cheveux roux ; en quête de la part de non-vie dans ses yeux fermés ou mi-clos. Il poursuit une investigation poussée de la physionomie en captant l'essentiel d'un visage malgré l'évitement du regard. S'éloignant d'une photographie intimiste par le regard volontairement fuyant et évanescent de son modèle, il esquive les pièges des portraits narratifs, voire séduisants, par des cadrages policiers, vue de face, vue de profil. Ce sont toujours des clichés interrompus, jamais achevés, toujours la suspension du corps, du visage, de l'image même.* | |||||||||
Il s'agit d'un travail exigeant, d'une grande sensibilité et d'un abord délicat puisque son œuvre n'opte jamais pour une forme définitive. «C’est important pour moi de ne pas " achever " car si on dit " je travaille sur ça ", on ferme le sens de l’œuvre. Du coup, il devient difficile d’être du côté de l’émotion, du sensible et de la projection imaginaire.» déclare-t-il au magazine en ligne le-RARE. David Rosenfeld est un artiste né en 1960. Il enseigne à l’université et en école d’art et fut galeriste à Amiens de 1993 à 1999. Depuis 1997, il compose des séries en utilisant à chaque fois des modèles dans des poses étudiées et répétées jusqu’à obtenir l’image idoine. Il procède par séries d’une quinzaine de photographies chacune et chaque série occupe généralement une année. | |||||||||
* Site de David Rosenfeld * présentation du site cityvox illustration : ©David Rosenfeld, Les Antérieures, 2005-2006, extrait du magazine INFRAMINCE N°2, de novembre 2006, p 34 | |||||||||
ACTUALITÉ : Du 25/11 au 22/12/2006 : Regards insaisissables à l’Espace Legendre (Compiègne). Du 16/09/2006 au 7/01/2007 : Les Modernes (quelques photos de la série) au Musée de Picardie (Amiens) dans le cadre de l’exposition D’étonnants détours. En 2007 : Les Antérieures, Les Contemporaines à l’Ecole Supérieure d’Art et de Design (Amiens). David Rosenfeld est représenté par la galerie Alain Gutharc, Paris. | |||||||||
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