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31 mai 2008 6 31 /05 /mai /2008 08:45
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30 mai 2008 5 30 /05 /mai /2008 07:45
   




 Musca




J.-X. Raoult
Gouvernement de Tambow
Album  Types et costumes de la Russie


           
           
           
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29 mai 2008 4 29 /05 /mai /2008 16:09
   




Les Mouches




Patrick Bailly-Maître-Grand
1987
rayogramme - solarisation
Courtesy galerie Michèle Chomette, Paris
           
           
           
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28 mai 2008 3 28 /05 /mai /2008 17:25
Jean Clair
(...) Je me rappelle avec déplaisir que l'an dernier, à pareille époque, l'un des deux oiseaux, chétif, incapable de prendre la nourriture que sa mère lui ingurgitait, était mort au bout de quelques jours. Par peur de déranger le nid, j'avais négligé d'enlever le petit cadavre. Au bout de deux semaines, son frère, déjà vigoureux, s'est mis à dépérir, a cessé progressivement de bouger, de se hisser sur ses pattes, d'agiter les ailes et de tendre le cou, puis a fini par mourir à son tour. Soulevant les deux corps, je me suis rendu compte avec horreur que tous deux avaient été dévorés par de minuscules formes ovoïdes blanchâtres, des asticots, des larves de l'omniprésente Musca domestica. Le premier cadavre avait, par ma négligence, provoqué la mort du second (...).


Jean Clair
Journal atrabilaire
Gallimard, collection folio, p. 129




 
Jean Clair, essayiste et conservateur général du patrimoine, entre à l'Académie Française.

LE MONDE | 23.05.08
 
 
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23 mai 2008 5 23 /05 /mai /2008 15:39
 
Dubaï et les arts plastiques
           
Un de mes amis, découvrant la couverture de Beaux Arts Magazine de ce mois-ci, s'exclame  : «Pour que BAM en vienne à réaliser une couverture comme ça, c'est vraiment la décadence des arts plastiques !». La culture et le goût de cet ami  sont loin d'être en cause. Bien au contraire. Et effectivement la question mérite d'être posée : Les Beaux-arts et accessoirement  les arts plastiques ne sont-ils pas en train d'évoluer dans un sens résolument inquiétant en assimilant sans beaucoup de réflexion et de sens critique les productions qui relèvent du spectaculaire pur dans une surenchère permanente digne du livre des records et en s'en faisant l'écho comme argument de vente ?
Les constructions les plus titanesques produites de manière anarchique dans une débauche d'argent et d'extravagance, érigées en grande majorité dans des pays ignorant tout des droits et de la dignité humaine, sont promues comme les fleurons de ce qui peut se faire de mieux du point de vue de la création. Les forêts de gratte-ciels chromés et héteroclites construits sur les sables de Dubaï explosent l'œil et la raison. Que ces édifices soient le fait d'architectes de renom, soit, mais qu'ils présentent le visage de ce qui se fait de plus désirable et de plus valorisé
dans la création contemporaine, du fait de leur gigantisme et des prouesses techniques que cela suppose,  pose un problème immense. Et après la fascination, le doute s'installe.

Et en effet ce doute et cette intuition que la démarche repose sur un élan absolument négatif se trouve confirmés par la lecture que je viens de faire il y a quelques heures d'un petit ouvrage de Mike Davis intitulé Le stade Dubaï du capitalisme. Ce texte d'une grande lucidité  est extraordinaire et absolument inquiétant.
Il serait long d'en décliner le propos et je me bornerai à reproduire ici un extrait de la quatrième de couverture :

«Village de pêcheurs devenu métropole en moins de vingt ans, lieu de tous les superlatifs (plus haut gratte-ciel, plus vaste centre commercial, plus grandes îles artificielles, hôtel le plus étoilé...) Dubaï pourrait bien signaler l'émergence d'un stade nouveau du capitalisme, encore inconnu sous nos cieux : un système à la fois plus ludique, par la généralisation du loisir touristique et de la jouissance commerciale, et plus violent, entre chantiers esclavagistes et politique de la peur, grâce aux guerres qui font rage de l'autre côté du Golfe persique -soit une société sans vie sociale ni classe moyenne, pur mirage de gadgets sans nombre et de projets pharaoniques.»
  
           
Et pour ce qui concerne les projets pharaoniques, ils sont légions. Mike Davis écrit page 10 : «Sous le règne de l'Émir-PDG Cheikh Mohammed El Maktoum, son despote éclairé âgé de 58 ans, Dubaï est devenue la nouvelle icône globale de l'ingénierie urbanistique d'avant-garde. Le multimilliardaire «Cheikh Mo»-comme le surnomment les occidentaux résidant à Dubaï- a une ambition explicite et totalement dénuée d'humilité : «Je veux être le Numéro Un mondial.» Et en effet ce qui se construit actuellement de plus spectaculaire c'est cette tour (photographie en haut à droite), le Durj Dubaï qui fera à terme  plus de 800 mètres de haut. Le site internet qui en trace la genèse fait des mises à jour régulières sur la hauteur qu'elle atteint au moment où vous vous connectez. Elle en est actuellement à la coquette hauteur de 629 mètres. La prouesse technique -réelle- en fait un argument esthétique d'une hyper-modernité, ou plutôt quelque chose qui se situerait bien au-delà de la modernité et de toutes les avant-gardes (la modernité étant déjà une vieillerie).        
           
Les projets les plus fous titre Beaux Arts Magazine de mai 2008 : le plus haut, le plus cher, le plus dangereux, le plus mégalomane, le plus kitsch, le plus arrogant, le plus incompréhensible, le plus déraisonnable, le plus crève-les-yeux, le plus .... de tous les plus,  le plus ceci, le plus cela, etc. Une escalade dans l'exagération, un superlatif de superlatifs destiné à devenir une catégorie des Beaux-arts ou tout simplement un critère de distinction ou d'évaluation dans cette catégorie.
Ce serait commode, peut-être...
           
           
           
           
Mike Davis, Le stade Dubaï du capitalisme, Éd. Les prairies ordinaires, collection penser/croiser, 2007 pour la traduction française.

Le site de Durj Dubaï       
           
           
           
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14 mai 2008 3 14 /05 /mai /2008 13:31
   Nécrologie
           
Robert Rauschenberg, le grand Robert Rauschenberg (et sa tête d'Indien) est mort. Fallait que ça arrive un jour. Ça fout un coup. Y a des gens, tu te dis : ça peut pas leur arriver. Tu te dis rien d'ailleurs. Tu peux même pas l'imaginer.
En novembre 2006 j'avais décidé d'envoyer sur le blog un article chaque jour pendant huit jours. C'était au moment de l'expo du grand Bob (Rauschenberg) au Centre Georges Pompidou. On  parlait plus d'Yves Klein à l'époque puisque les deux expositions avaient lieu au même moment, mais enfin...


Voici ce que j'écrivais (un clic sur l'image) :
           




 
08 novembre 2006 09 novembre 2006 10 novembre 2006 11 novembre 2006 12 novembre 2006 13 novembre 2006
           
           
           

Robert (Rauschenberg) :
je t'aime !
14 novembre 2006 15 novembre 2006        
           
           
           
           
           
           
           
           
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13 mai 2008 2 13 /05 /mai /2008 11:25
  Questionnaire

Le magazine Les Inrockuptibles n° 416 daté du 19 novembre 2003 publie un  questionnaire de Sophie Calle et de Grégoire Bouillier.
Pour l'occasion,
Sophie Calle et Grégoire Bouillier deviennent rédacteurs en chef des Inrocks.

Cet événement a été marquant et le questionnaire a été abondamment utilisé. C'est une fois encore une façon subtile (sous un aspect à priori midinette) de passer par l'autre -tous les autres- pour revenir sur des questions personnelles, des questions qui animent l'artiste.
Je dois dire que moi-même, il m'est arrivé  de m'en servir comme d'un outil commode un certain jour, à l'occasion d'un entretien, alors que quelqu'un me demandait  de parler de sa vie et de son activité de peintre.

Voici ce questionnaire :


1) Quand êtes-vous déjà mort(e) ?

2) Qu'est-ce qui vous fait lever le matin ?

3) Que sont devenus vos rêves d'enfants ?

4) Qu'est-ce qui vous distingue des autres ?

5) Vous manque-t-il quelque chose ?

6) Pensez-vous que tout le monde puisse être artiste ?

7) D'où venez-vous ?

9) Jugez-vous votre sort enviable ?

10) A quoi avez-vous renoncé ?

11) Que faites-vous de votre argent ?

12) Quelle tâche ménagère vous rebute le plus ?

13) Quels sont vos plaisirs favoris ?

14) Qu'aimeriez-vous recevoir pour votre anniversaire ?

15) Citez trois artistes vivants que vous détestez.

16) Que defendez-vous ?

17) Qu'êtes-vous capable de refuser ?

18) Quelle est la partie de votre corps la plus fragile ?

19) Qu'avez-vous été capable de faire par amour ?

20) Que vous reproche-t-on ?

21) A quoi vous sert l'art ?

22) Rédigez votre épitaphe.

23) Sous quelle forme aimeriez-vous revenir ?

 
           
           
           
Depuis Proust l'exercice a toujours autant de succès et il nous permet de parler avec légèreté de choses personnelles. Je vais donc profiter de cette occasion pour prendre le relais, toutefois sous une forme plus modeste...
           
Il y a quelques jours Bertrand de l'excellent site "Sur les pas d'une collection"  m'a embarqué dans une espèce de traquenard : « Énoncer six choses, dire 6 trucs sur soi, un peu spontanés, avec légèreté si possible..." et passer le relais à six autres victimes...  ;-)
Je ne suis pas du tout un adepte de tous ces trucs genre "chaîne", je passe à mon voisin, etc.
Mais après réflexion, et par estime pour quelqu'un dont j'apprécie la finesse et les goûts, j'ai essayé de m'y plier, mais sous une forme particulière : avec des images. Il faut que la contrainte me plaise, non... ?
Vous trouverez mes six «vérités»
ici. Si vous souhaitez réagir, faites-le sur le présent article (le site qui héberge mes réponses n'est pas un blog).
 
 
         
Mes victimes, si elles acceptent de se prêter à ce portrait, sont :

1. Laurence du blog
Actualités 34 qui sait remettre au goût du jour, avec intelligence et engagement, Prévert et ses amis.

2. Philippe d'
Appeau vert qui sait jongler avec les mots jusqu'à l'étourdissement (tout sauf du ready made) !

3. Il y a peu de chances qu'elle réponde (sauf en mail, ce que j'apprécierais vraiment) car elle ne laisse qu'exceptionnellement des traces d'elle-même dans les commentaires de son propre blog : Lucileee de ce blog
Qu'est-ce que l'art ?(aujourd'hui), un site fin et actualisé qui traite d'art contemporain en engageant une réelle réflexion sur les artistes et les œuvres.

4. Les quatre filles formidables du
Quatuor'fé qui sont des artistes merveilleuses qu'il faut entendre.

5. Lyliana du site
Détours des mondes qui laboure avec rigueur des terres systématiquement inconnues pour moi, ce qui fait que j'apprends tant à la lecture de son blog.

6. Jérémy Liron qui est un excellent peintre et qui anime un blog,
Les Pas perdus, où il a tout le loisir de montrer toute l'étendue de ses connaissances et de sa perception de l'art et de la littérature. 
         
           
           
           
           
           
           
           
illustration : portrait d'Elisabeth Taylor en petite fille.   
           
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12 mai 2008 1 12 /05 /mai /2008 12:37
L'art n'est pas la vie
 
 
 Je découvre à l'instant cette interview de Sophie Calle qu'un jeune homme a faite dans le cadre de son exposition Prenez soin de vous à la BNF, rue Richelieu.
 Et je me dis "quelle chance il a ce petit jeune homme de s'entretenir avec Sophie Calle" - et justement dans le cadre somptueux de la salle Labrouste transformée pour l'occasion.
Et très vite, je me dis qu'il a loupé sa chance. Il faut évidemment une expérience  (je devrais dire une formation) pour interroger un artiste sans ça on reste inéluctablement dans la surface. On risque de ne percevoir de cette œuvre que son côté spectaculaire.

Notre jeune journaliste part sur un contresens et s'entête malgré les mises au point réitérées de l'artiste. Dans la conception de beaucoup, et dans la représentation qu'ils se font de l'objet artistique, l'art c'est la vie. Ou l'équivalent de la vie. Et plus particulièrement quand l'artiste se sert objectivement de matériaux directement prélevés dans sa vie quotidienne. Mais rappelons que même si les artistes utilisent des éléments de leur vie (à des degrés divers) comme composantes de leur travail, l'œuvre d'un auteur est une transformation, une transposition et donc une création.
 L'interviewer va en l'occurence mélanger aveuglément  l'art et la vie. Sophie Calle aura beau lui répéter : «C'est un travail que je vous présente, ce n'est pas ma vie ; c'est un projet artistique avec des photos, des textes...». Rien n'y fera.

L'art, ce n'est pas la vie. A quoi cela servirait-il en effet de rentrer dans un processus mimétique ou de se confondre avec un objet qui nécessairement a vocation, une fois terminé, à être détaché de soi-même ? On a hérité de tous ces automatismes  posant comme une évidence le mimétisme comme valeur liée à la production artistique.

Interroger un artiste ne doit pas servir uniquement à garnir des grilles de programmes à la radio ou à la télévision. Cela s'apprend si l'on veut, à son tour, en faire un objet digne d'intérêt. Il y a des des gens fameux qui s'y sont risqués avec bonheur : David Sylvester ou Georges Charbonnier, par exemple. Écoutons-les, lisons-les.

Et rappelons-nous la célèbre déclaration d'un Génie sans talent, Robert Filliou  : «L'art c'est ce qui rend la vie plus intéressante que l'art...».
 
 
 
origine
 
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10 mai 2008 6 10 /05 /mai /2008 18:00
  Sophie Calle, je prends soin de vous...
«J'ai rencontré des gens qui sont nés aveugles. Qui n'ont jamais vu. Je leur ai demandé quelle est pour eux l'image de la beauté». Dans "The Blind" (Les aveugles) Sophie Calle expose ensemble le portrait de l'aveugle, le texte de sa réponse et la photographie fidèle des objets ou des scènes qu'ils évoquent, leur prêtant ainsi son propre regard.

Ici, le protocole, comme dans "
Prenez soin de vous" consiste à passer par l'autre pour tenter d'élucider des questions personnelles, des questions essentielles (la vue dans un cas ou la relation d'amour dans l'autre) des choses qui relèvent de l'insondable, du mystère. 
     

Le mystère recèle sa part de terreur. Pour celles et ceux comme moi qui accordent au regard une valeur si importante dans leur relation au monde ,  Sophie Calle est quelqu'un d'important car je constate que les dispositifs qu'elle a su mettre en place continuent à me concerner après tant d'années.
   
Dans cette série, l'aveugle dit son émotion esthétique. L'artiste a posé la question à dix-huit aveugles. Ici, l'une par ce qu'on lui a dit du spectacle  à son balcon, face à la montagne*, l'autre grâce au toucher du corps et du visage de l'homme qu'elle aime.
Peut-on parler de beauté ? Sophie Calle pose très finement la question de la définition de la beauté : quelle est la différence entre voir et savoir ? Le voir ne constitue-t-il pas un parasitage dans cette vaine tentative de définition ? (définition improbable, y compris et surtout pour ceux qui voient).
Et puis la beauté peut-elle exister sans les mots pour la dire ?

Sophie Calle, vous qui prenez ces chemins détournés pour parler des choses essentielles, je ferai tout ce que je peux  pour prendre soin de vous afin que vous puissiez continuer à le faire...
   






*texte de la 1ère œuvre : «Ce paysage  de mon balcon en Haute-Savoie est ce qu'il y a de plus beau. Il provoque chez moi une grande émotion esthétique. C'est ici que je m'assieds pour  contempler et  faire le vide. Pour regarder le temps passer. La beauté c'est l'harmonie. Ma mère m'a empêché de me servir du toucher. Elle avait l'habitude de dire : "Ne touche pas, tu fais penser vraiment à une aveugle" La seule "chose" que j'ai pû réellement toucher ça été un homme. C'était vaguement rugueux. Il était costaud, vigoureux et portait la moustache. Il s'appelait Gilbert. Il y avait une harmonie secrète des proportions chez lui. Je pense qu'il était  très beau (handsome)...Je n'ai conservé aucune photo de lui.»
     






llustration 1 :Sophie Calle The Blind (la vue de mon balcon) 1986, collection Lhoist
illustration2 :
: ©Sophie Calle, Les Aveugles, photographie couleur, photographie noir & blanc, texte. Courtesy Galerie Emmanuel Perrotin, extrait de la revue DITS, numéro 7, p 52


     
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9 mai 2008 5 09 /05 /mai /2008 07:03
 
Sophie Calle, Prenez soin de vous

« J’ai reçu un mail de rupture. Je n’ai pas su répondre. C’était comme s’il ne m’était pas destiné. Il se terminait par ces mots : Prenez soin de vous. J’ai pris cette recommandation au pied de la lettre. J’ai demandé à cent sept femmes – dont une à plumes et deux en bois –, choisies pour leur métier, leur talent, d’interpréter la lettre sous un angle professionnel. L’analyser, la commenter, la jouer, la danser, la chanter. La disséquer, l’épuiser. Comprendre pour moi. Parler à ma place. Une façon de prendre le temps de rompre. A mon rythme. Prendre soin de moi. » Sophie Calle est donc partie de ce protocole.
Cette œuvre a déjà été présentée, on le sait, au moment de la Biennale à Venise. Ici, comme à Venise, Daniel Buren a réalisé la mise en espace. Le lieu est fort : il s'agit de la salle Labrouste à la Bibliothèque Nationale de France, rue Richelieu. Des alignements de tables et de chaises, de petites lampes, des rayonnages et une voûte impressionnante ; sans compter la charge symbolique de ce lieu qui a vu passer toute une foule d'anonymes silencieux penchés sur leur ouvrage. Les changements et rajouts opérés sont de plusieurs natures : des écrans ont été installés çà et là ; de grands livres ouverts, fixés  et consultables au bout de certaines rangées ; des  cadres en quantité comportant photos, objets plats et manuscrits sont accrochés sur les murs et puis des sons, du bruit, des musiques qui se croisent, s'additionnent, se superposent, s'annulent dans un flot ininterrompu. 
           




           
Cent sept femmes ont été sollicitées, dans des domaines différents ; des femmes souvent identifiées pour leurs compétences ou leur notoriété (mais pas toutes : il y a des inconnues, une petite écolière ainsi qu'une marionnette japonaise). Les modes d'expression sont variés. Cela va du texte à la performance, à la lecture de la lettre dans une autre langue en passant par le diagnostic médical ou le rapport judiciaire ou encore la destruction du document par balles.
Le parcours dans l'exposition est libre. Aucun ordre imposé. Il est quasiment impossible de tout lire tant les objets livrés à la sagacité d'un public curieux (et voyeur ?) sont variés, accumulatifs, parfois difficiles d'accès. Beaucoup de ces objets sont étonnants, inattendus, mystérieux.
           
   
   
  Maria de Medeiros, actrice
affiche du film de Q.Tarentino
  Maud Kristen, voyante
           
Ce qui m'a intéressé, et d'une certaine manière ce qui m'a frappé, c'est de constater à quel point les protagonistes de cette œuvre s'identifient intensément au rôle qu'elles sont censées jouer et à l'image qu'elles représentent aux yeux du public. Les engagements sont généralement francs, les avis sont tranchés, les diagnostics sont scientifiques, toutes les prestations sont professionnelles : toutes font autorité. Deux exemples (forcément anecdotiques dans cette exposition tant ces prestations sont variées) : celui de la voyante (Maud Kristen) qui déclare :«MEDITEZ SUR CE TRAVERS COMMUN A TANT DE FEMMES : dès qu'elles voient un crapaud avec une patte arrachée elles s'imaginent qu'en le regardant droit dans les yeux il va devenir un bel oiseau de paradis(...). En synthèse je dirais que vous n'avez pas bien évalué la situation : vous n'avez rien à attendre d'une relation amoureuse avec ce monsieur. Prenez VRAIMENT soin de vous.» (texte ci-dessus, à droite) et puis la contribution de l'actrice Maria de Medeiros (ci-dessus, à gauche) qui est filmée dans l'exacte  position que Uma Thurman adopte sur l'affiche du film de Quentin Tarantino  "Pulp Fiction", film qui en son temps a défrayé la chronique. Sachant que Maria de Medeiros joue un rôle non négligeable dans ce même film, doit-on considérer que c'est un hasard ? Et ceci va jusque dans les tics de langage, de pensée ou d'argumentation ; l'exemple de Leïla Shahid, représentante des Palestiniens en France, est à ce titre amusant : sachant que cette lettre est une lettre qui parle de l'amour entre un homme et une femme, Leïla Shahid n'hésite cependant pas à écrire «Comme dans toute négociation en vue d'un accord...(...)etc.» et reprend donc la terminologie politique à laquelle elle nous a accoutumés depuis des années...
           
En tout cas, ce qui est marquant c'est que toutes ces femmes disent surtout sur elles-mêmes, peut-être plus que sur la lettre reçue par Sophie Calle. Le procédé que l'artiste a mis en place relève sûrement pour partie d'une sorte de thérapie*. Quel intérêt y aurait-il à dévoiler une lettre aussi intime, une lettre qui a forcément provoqué une souffrance ? Cette démarche permet d'objectiver la situation, de la diluer aussi. Et surtout de prendre de la distance et d'occuper un temps qui aurait été nécessairement envahi par le ressassement de son propre malheur.
Le brouhaha de l'exposition, cette rumeur du monde de celles qui savent, de celles qui ont un avis compétent ira idéalement dans le sens de cette dilution.
           
           
           
           






Yves-Alain Bois déclarait en 1992 : «Je vois dans l'œuvre de Sophie Calle comme une thérapeuthique, un travail de déniaisement, presque un iconoclasme en notre fin de siècle iconophage» (propos figurant dans le N°9 de la revue Ninety, 3e trimestre 1992).






           
-site de la BNF      
           
Sophie Calle
Prenez soin de vous

Mise en scène Daniel Buren
site Richelieu / Salle Labrouste
58 rue de Richelieu
75002 Paris

jusqu'au 15 juin 2008

           
           
           
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attraper les mouches

Fumier