4 novembre 2009
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DEADLINE | |||||
| Lundi 2 novembre, jour de la fête des morts : l'occasion est belle, trop belle peut-être, pour évoquer cette exposition, DEADLINE, qui se tient actuellement au Musée d'art moderne de la Ville de Paris. Le propos de cette exposition est peut-être empreint de quelque morbidité et en tout cas pourra rebuter en ce sens qu'il sera susceptible d' être perçu comme tel. Certains le penseront. Il s'agit de rendre compte d'une chose essentielle, c'est la conscience de la mort -la conscience réelle de la mort- dans la pratique d'artistes qui savent qu'ils vont mourir bientôt. La démarche est de tenter d'aller repérer, d'aller identifier ce qui dans les œuvres ultimes de ces artistes est en relation directe avec cette annonce de leur mort prochaine. Cette connaissance donne-t-elle un nouveau visage, une nouvelle apparence, un nouveau contenu à leurs œuvres ? Dans l'urgence d'une mort attendue, la pratique s'accélère-t-elle, devient-elle différente, se radicalise-t-elle ? | ||||
Jörg Immendorff | |||||
Les raisons de cette mort annoncée sont évidemment liées à la maladie et le corps en portera, la plupart du temps, les stigmates. Le corps deviendra un fardeau, une entrave à la création et la dégénérescence un affolement total. En 1998 Jörg Immendorff apprend qu'il est atteint d'un type de sclérose particulièrement virulent qui produit une dégénérescence progressive du système nerveux. Il continue néanmoins à travailler et s'entoure d'assistants. Dans sa peinture filtre l'évolution de sa maladie : des corps disloqués, des réseaux internes figurant le système nerveux, des images puisées dans l'histoire de l'art renvoyant aux peurs, aux manifestations tératologiques du monde mais également aux thèmes traditionnels des danses macabres sur fond doré. Il va devoir procéder à un retrait progressif de son œuvre annonçant son retrait définitif du monde. La peinture est puissante, débordante de vitalité ; une énergie inversement proportionnelle à l'indigence dont il est malheureusement la victime. Cette salle, qui est la dernière que l'on visite dans l'exposition, est somptueuse. | |||||
Hannah Villiger (à gauche), Willem de Kooning (à droite) | Jörg Immendorff | ||||
Ce corps dégradé, attaqué par la maladie peut être directement pris comme sujet. Ce sera le cas de cette photographe suisse, Hannah Villiger (ci-dessus, à gauche), qui témoignera de l'évolution de ce corps devenu squelettique à la suite d'une forme aiguë de tuberculose. Des tissus le recouvriront partiellement ; à d'autres moment, il apparaitra de manière allusive ou fragmentaire. Les objets photographiques sont très colorés et d'un format assez imposant. Loin du misérabilisme, en somme. | |||||
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Robert Mapplethorpe | Robert Mapplethorpe | ||||
Comme Immendorff, Robert Mapplethorpe -atteint du sida- aura recours aux figures de l'histoire de l'art. Le photographe new-yorkais, d'un classicisme extrême, fera se juxtaposer le crâne de la vanité et l'Hermès blanc, symbole de pureté des formes et d'idéal (au delà de la mort ?). | |||||
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Gilles Aillaud | Chen Zhen | ||||
Les symboles appliqués à la représentation du passage de la vie à la mort sont particulièrement cohérents dans l'œuvre de certains artistes comme Gilles Aillaud, par exemple, qui s'est fait connaître en peignant des animaux. Les oiseaux dans un ciel vide seront les dernières toiles qu'il peindra, alors frappé d'hémiplégie. On retrouvera également ces oiseaux dans un ciel d'un grand minimalisme dans les photographies de Félix Gonzalez-Torres. Chez Chen Zhen, la représentation du corps et de sa fragilité, sous la forme d'objets précieux, est fascinante. Le recours aux symboles liés aux matériaux (verre, albâtre) se révèle très efficace. | |||||
| James Lee Byars, lui, va recourir à la mise en scène de sa mort annoncée dans une performance mémorable, qui visera à une esthétisation de cet épisode que nous partagerons tous. Le corps allongé de l'artiste dans un espace somptueux fait de feuilles d'or sera remplacé, à la fin de la performance, par cinq diamants correspondant aux cinq points de l'homme de Vitruve dessiné par Léonard de Vinci. Un rappel à l'histoire de l'art ainsi qu'à la figure immortelle de l'Artiste en la personne de Léonard. Une façon grandiose de conjurer la mort. Absalon aura lui aussi recours à la performance pour laisser des traces de son passage. On pourra voir et "tester" une de ses Cellules d'habitation dans l'exposition et regarder quelques vidéos le montrant à l'œuvre dans ces espaces qu'il a construits en un temps très court. | ||||
James Lee Byars | |||||
Les choix se sont portés sur douze artistes* disparus récemment (la disparition la plus ancienne est celle de Mapplethorpe). Impossible d'exposer tous ces parcours étant bien entendu que les œuvres présentées dans l'exposition résultent d'un choix du commissaire et que ce choix, par définition, ne peut renvoyer qu'une idée parcellaire de la complexité d'une situation extrême, celle qui consiste à faire face aux derniers instants d'une vie. | |||||
| Néanmoins, certaines situations sont cocasses : celle de Willem de Kooning par exemple qui, à la fin de sa vie, donna du fil à retordre aux experts. En effet, dans la dernière partie de son parcours De Kooning sembla perturbé, distrait, dispersé. Sa peinture, au contraire, plus prolifique que jamais, était pour lui le moment d'une très grande concentration. Ce comportement était paradoxal. Qu'en était-il de ses facultés mentales ? Sa conscience d'une disparition proche le travaillait-elle ? De manière évidente, une grande liberté caractérise ce moment de la création de l'artiste. | ||||
Willem de Kooning | |||||
La question de la mort a été évacuée très progressivement de nos sociétés et ceci, sans doute, avec la disparition progressive -elle aussi- de la paysannerie. Cette situation est particulièrement flagrante en France. En effet, dans le monde rural les gens ne mouraient pas à l'hôpital mais chez eux. Les enfants connaissaient et se rappelaient les visages des défunts. Il arrivait qu'on photographiât le corps étendu dans son berceau d'une petite sœur ou d'un petit frère mort en bas âge. La mort a fini par nous échapper, devenir abstraite. Nous seuls, qui fréquentons régulièrement les images ou qui en fabriquons, continuons à entretenir ce rapport si particulier (mais naturel) à la mort. Car nous savons qu'en art les sujets sont peu nombreux ; au nombre de trois, peut-être : le sexe, le sacré et la mort. Il n'est donc pas arbitraire de s'intéresser aux œuvres qui précèdent ce moment si important pour des hommes et des femmes dont la vie a été consacrée à la fabrication d'images. | |||||
* Absalon (1964-1993), Gilles Aillaud (1928-2005), James Lee Byars (1932-1997), Willem de Kooning (1904-1997), Felix Gonzalez Torres (1957-1996), Hans Hartung (1904-1989), Jorg Immendorff (1945-2007), Martin Kippenberger (1953-1997), Robert Mapplethorpe (1946-1989) , Joan Mitchell (1926-1992), Hannah Villiger (1951-1997), Chen Zhen (1955-2000). | |||||
PS :La dernière salle, rien que pour ça l'exposition DEADLINE est une réussite. J'ai dû y passer la moitié du temps de ma visite. Dans une prochaine vie je souhaite être un peintre allemand : Jörg IMMENDORFF, par exemple, pour avoir la chance qu'on se souvienne de moi grâce à ces quelques toiles ante-mortem. Ou bien Gerhard RICHTER, ou encore Sigmar POLKE (mais ils sont encore vivants ?), au choix, m'en fous. | |||||
visite virtuelle (choix d'œuvres) | |||||
DEADLINE Musée d'Art moderne de la ville de Paris11 avenue du Président Wilson - 75116 Paris du 16 octobre 2009 au 10 janvier 2010. | |||||
MAMVP | |||||
Pierre MICHON | |
Le tableau fait d'hommes, dans cette époque où les tableaux étaient faits de Vertus. Le très simple tableau sans l'ombre d'une complication abstraite. Le tableau que commandèrent sur un coup de tête et peut-être dans l'ivresse les enragés de l'Hôtel de Ville, la Commune, les féroces enfants à grandes piques, les tribuns limousins, le tableau -dont Robespierre ne voulait à aucun prix, dont les autres ne voulaient guère, dont peut-être dix sur onze ne voulaient (Sommes-nous des tyrans, pour que nos Images soient idolâtrées dans le palais exécré des tyrans ? ), mais qui fut commandé, payé, et fait. Parce que Robespierre même craignait l'Hôtel de Ville ; parce que l'Histoire à sa ceinture porte une poche de chance, une bourse spéciale pour la solde des choses impossibles. | |
Pierre MICHON Les Onze Éditions Verdier, 2009 p44 | |
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illustration : masque mortuaire de Robespierre (1758-1794) | |
Pierre Michon reçoit le grand prix du roman de l'Académie française pour "Les Onze" Les Onze est un récit d'une centaine de pages sur une toile exposée au Louvre représentant le Comité de salut public durant la Révolution française : Robespierre, Carnot, Saint-Just… Pierre Michon retrace dans ce livre de pure littérature l'histoire de ce tableau imaginaire. L'essentiel de l'œuvre de Pierre Michon est publiée aux éditions Verdier. Le Monde, 29 octobre 2009. | |
Ádám SZABÓ |
Ádám Szabó , SUPER FRUIT, 2007. Lambda print |
FIAC 2009, INDA galeria, Budapest |
Anita Molinero | ||
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Anita Molinero FIAC 2009, galerie Alain GUTHARC | ||
Anita Molinero à La Force de l'Art 2 | ||
David REIMONDO |
David Reimondo, Fiat 500, 2009. Pain et résine détail |
FIAC 2009, galerie Di Meo |
Vente aux enchères | |
Quand je lui ai demandé quel genre d'art se vend aux enchères, sa réponse correspondait comme par magie à la scène de ce soir : -Premièrement, il y a la couleur. Le marron ne marche pas aussi bien que le bleu ou le rouge. Et la tristesse passe moins bien que la joie. Deuxièmement, certains sujets sont plus commerciaux que d'autres. Un nu masculin attire moins qu'une femme épanouie. Troisièmement, la peinture a plus de succès que d'autres formes d'art. Les collectionneurs, par exemple, ne savent pas quoi faire si un branchement est nécessaire, ils n'aiment pas ce qui paraît compliqué à installer. Enfin, la taille compte beaucoup. Tout ce qui dépasse la capacité standard d'un ascenseur sur Park Avenue se coupe d'un secteur du marché. Bien sûr, affirme Cappelazzo, soyons clairs : il ne s'agit là que de concepts commerciaux de base qui n'ont rien à voir avec la valeur artistique d'une œuvre. * | |
Sarah THORNTON Sept jours dans le monde de l'art Éditions Autrement, Paris, 2009 p38 | |
Vente de la collection Pierre Bergé organisée par Christie's | |
* Précisions : Sarah Thornton traite dans ce chapitre d'une vente d'art contemporain et que cela se passe à New York chez Christie's. Ce témoignage a l'avantage de nous ramener à une certaine réalité et à nous questionner sur les rapports entre valeur esthétique et valeur marchande. | |
Madame X | |
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Nicole Kidman photographiée par Steven MEISEL, 1999 | Madame X peinte par John Singer Sargent, 1884 |
L'histoire du portrait de Madame X et de ce tableau qui fit scandale. | |