12 juin 2010
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Le Désert de RETZ |
| François Racine de Monville va quitter Paris en 1778 et venir habiter la Maison Chinoise. L'endroit est luxueux, raffiné. On s'y réunit pour faire des lectures d'extraits de L'Encyclopédie de Diderot ou bien des Rêveries du promeneur solitaire de Jean-Jacques Rousseau. À peu près à la même époque il commence à faire planter dans son domaine des arbres de toutes provenances et passe commande d'essences rares et variées au responsable des Pépinières Royales. Le domaine va progressivement s'enrichir de spécimens que l'on peut encore admirer à l'occasion de la visite. Puis en 1781 Monville va faire construire la Colonne Détruite (1, 2, 3, 4) qu'il va habiter l'année suivante. Il s'agit des vestiges d'une fausse colonne dorique d'une taille impressionnante. Si cette colonne avait existé réellement, on a calculé que, proportionnellement à sa base, elle atteindrait à peu près cent vingt mètres de haut. Mais l'intérêt de cette construction, outre qu'elle adopte l'esthétique de la ruine, est qu'il s'agit d'une véritable habitation. |
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La Colonne Détruite est la pièce maîtresse du Désert de Retz. La coupe (3) montre une occupation astucieuse de l'espace autour d'un escalier central hélicoïdal. Seize fenêtres ovales offrent autant de points de vue sur le domaine, laissant apparaître, à chaque fois, une fabrique différente. Son diamètre est d'une quinzaine de mètres et sa hauteur d'une vingtaine. Seize cannelures, quatre étages et une cave. L'intérieur était fleuri et chaque pièce tendue de toile de Jouy. Le détail de la description montre un raffinement extrême. |
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L'édifice s'inscrit dans la démesure : les restes d'une colonne de cette taille supposent l'existence passée d'une construction plus générale au delà de ce que l'imagination peut produire. L'ordre dorique auquel ces restes font référence nous projette dans un passé austère puissant et révolu. D'autre part, on ne peut évidemment que constater l'analogie formelle qui existe entre cette Colonne Détruite et la célèbre Tour de Babel (peinte ici par Pieter Bruegel l'Ancien, 1563). Le texte de la Genèse, qui met en scène des hommes empêchés d'atteindre le ciel par un dieu qui les punit en multipliant les langues et donc -du fait de cette division- les contraint à partir en quête perpétuelle de connaissance, n'est pas totalement étranger aux préoccupations de l'initiateur du lieu. La forme ronde et irrégulière due à la pseudo-dégradation de l'édifice va créer visuellement une analogie. Et puis après l'orgueil des hommes à vouloir se faire les égaux de Dieu, viendra la vanité dans l'anticipation de leur déchéance. La ruine sera l'objet d'une instrumentalisation tant esthétique que philosophique. Un peintre, Hubert Robert, était spécialiste dans ce domaine. Ce peintre célèbre a, par exemple, peint la grande galerie du Louvre en ruines. Il se trouve qu'Hubert Robert était ami de François de Monville qui avait certains de ses tableaux -comme Le Décintrement du pont de Neuilly- accrochés aux murs des appartements de la Colonne Détruite. Nous sommes au crépuscule d'un XVIIIème siècle sourdement inquiet. |
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| Cette esthétique de la ruine sera travaillée avec une grande détermination car parmi les fabriques il en existe une qui est une ruine authentique, celle qui est appelée L'Eglise gothique ruinée (5). Il s'agit de la chapelle de l'ancienne paroisse de Saint-Jacques-de-Retz construite au début du XIIIème siècle. François Racine de Monville l'a intégré dans son ensemble au même titre que les autres fabriques. Il s'agissait de montrer pour lui la supériorité du savoir encyclopédique au détriment de l'Église catholique qui à l'époque des Lumières représentait une forme d'obscurantisme. Ainsi, l'œuvre de François Racine de Monville allait dans le sens d'une modernité revendiquée. À noter, en passant, que la pratique qui consiste à s'approprier de l'existant et à l'intégrer dans une démarche artistique est un trait très représentatif du XXème siècle. La roue tourne : au Quattrocento, la ruine foulée aux pieds était celle du paganisme et faisait allusion à la suprématie de la chrétienté et ceci était montré, par exemple, dans le Saint Sébastien (du Louvre) que Mantegna peignait. |
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Et pour ce qui est de la modernité, François de Monville était peut-être quelqu'un de très avant-gardiste : parmi les fabriques, il en existait une appelée L'Ermitage ; c'était une simple cabane de planches entourée d'arbres que Monville avait fait édifier sur un tertre artificiel, dans une zone sauvage du domaine, et qui abritait un ermite. François Racine de Monville avait loué les services d'un individu qui était payé pour jouer le rôle de l'ermite. Son contrat prévoyait qu'il ne devait ni se laver, ni se couper les ongles, ni la barbe, ni les cheveux. Ce pauvre homme ne s'acquittera de cette tâche qu'une seule année et personne ne le remplaça. Cela doit nous rappeler évidemment certaines pratiques contemporaines liées à la performance. |
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(suite prochainement, j'espère) |
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Beaucoup d'éléments rapportés dans cet article sont le fruit de la lecture de l'excellent ouvrage de Chloé Radiguet et Julien Cendres : Le Désert de Retz, paysage choisi, Éditions de l'éclat, Paris, 2009 |
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photographies personnelles sauf 3 extraite de l'ouvrage de Chloé Radiguet et Julien Cendres : Le Désert de Retz, paysage choisi, Éditions de l'éclat, Paris, 2009, p59 |
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site consacré aux parcs à fabriques et plus particulièrement au Désert de Retz The Racine de Monville Home Page |
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J'apprends aujourd'hui la mort de Sigmar POLKE. Grand peintre. |
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11 juin 2010
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Le Désert de RETZ |
| Dans l'édition de 1756 de L'Encyclopédie de Diderot et D'Alembert, Claude Henri Watelet définit ainsi le mot fabrique :«Tout bâtiment dont la peinture offre la représentation.» À compter de ce moment, les constructions ornementales pittoresques élevées dans les jardins porteront le nom de fabrique - pittoresque s'entend ici au sens étymologique, c'est à dire «susceptible d'être peint». * Il existait vingt et une fabriques sur le domaine du Désert de Retz. Beaucoup ont été détruites. Ainsi, il ne reste que quelques photographies, notamment d'Izis (1), pour se souvenir de la Maison chinoise, en ruines, et qui a maintenant totalement disparu. Et puis les dessins d'époque (2, 3). Certaines de ces fabriques sont devenues des vestiges et enfin quelques-unes ont fort heureusement bénéficié d'une restauration. |
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On peut comprendre facilement les raisons de la disparition totale de la Maison chinoise et du petit pavillon attenant lorsqu'on lit les descriptions qui en ont été faites : «Entièrement construite en bois de teck importé d'Inde, elle repose sur une assise de pierre. Des mâts horizontaux soutiennent les avancées du toit à ressauts décorées de doucines -couvertes d'ardoises taillées en écaille de poisson- que coiffent deux vases de Chine en tôle peinte faisant office de cheminées (...).» : les matériaux utilisés ont subi l'assaut du temps et le raffinement à la fois de l'architecture intérieure et du contenu de ce pavillon n'ont pas résisté aux différentes vagues de pillage. |
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Ce qui était en pierre est parfois resté partiellement comme le Théâtre découvert sous un Berceau de Grands Ormes (4) ou bien encore les colonnes baguées du Temple du Repos.(5). Autant de traces de ces fabriques qui encadraient un panorama -une "vue"- que le promeneur découvrait au fur et à mesure de son déplacement. Ici le Théâtre découvert est une sorte de métaphore du projet général du comte de Monville. Et l'on fera ici référence aux fameux jardins chinois que des Jésuites français installés en Chine avaient découverts. Il s'agissait d'organiser la nature en reconstituant des paysages dits «naturels» faits de ruisseaux, de grottes, de petites bosses de verdure, de rochers, de plans d'eau, de buissons, d'herbes "sauvages" et même de délicates constructions savamment disposées dans cet ensemble. L'individu itinérant croisait ainsi, à certains moments de son parcours, des tableaux dans lesquels tout était déjà composé. Mais le XVIIIème siècle, siècle des Lumières, n'en restera pas à cette conception du paysage liée étroitement au pittoresque. Le promeneur évoluera d'une étape à l'autre, au gré des fabriques, et percevra toute la dimension philosophique de son parcours pour arriver finalement, au bout de son trajet, à la ruine. Et l'on verra avec la Colonne Détruite - qui rappelle d'une certaine manière la Tour de Babel et la perte du langage - que la quête de sens créée par ces compositions et ces recréations de la nature est loin d'être un hasard. |
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Mais le promeneur aura parfois un avant-goût de son étape finale en croisant, par exemple, ce Petit Autel presque ruiné (6, 7) conçu comme tel dès le dessin initial : une ruine avant d'être fabriqué. Ce qui est troublant est de constater que ce Petit autel presque ruiné a lui-même subi les affres du temps et que son apparence actuelle le renvoie à égalité avec les autres fabriques existantes, également mais naturellement ruinées. Le temps, inexorable, aura aplani les différences à visée philosophique. |
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(suite prochainement, j'espère) |
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* extrait de l'ouvrage de Chloé Radiguet et Julien Cendres : Le Désert de Retz, paysage choisi, Éditions de l'éclat, Paris, 2009, p49 |
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photographies personnelles sauf 1, 2, 3, extraites de l'ouvrage de Chloé Radiguet et Julien Cendres cité ci-dessus |
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10 juin 2010
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Le Désert de RETZ |
| Le Désert de Retz est un endroit bien étrange. On n'y croise pas de cerf scribe, intendant ou dessinateur, déguisé en chat botté assis avec nonchalance sur le rebord d'une fenêtre ovale. Pas de chameaux non plus. Ni de sable. Le Désert n'est pas un désert : c'est un immense jardin, un parc situé non loin de Paris, sur la commune de Chambourcy, un jardin qui s'étend quand même sur une quarantaine d'hectares. Les surréalistes en sont tombés amoureux et Prévert lui-même en a laissé une trace en créant ce collage (à partir d'une photographie d'Izis) où l'on peut reconnaître une des seize fenêtres si caractéristiques de la Colonne Détruite qui servit d'habitation à ses propriétaires successifs. Et l'inventeur de ce jardin a vécu il y a bien longtemps, bien longtemps avant Prévert, bien longtemps avant les surréalistes. Son nom était François Nicolas Henri Racine de Monville - que l'on appellera le comte de Monville - et ce comte était un aristocrate éclairé qui vécut au siècle des Lumières. |
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François Nicolas Henri Racine de Monville est donc né le 4 octobre 1734. Il va devenir grand maître des Eaux et Forêt. Mais c'est un érudit. Il est passionné de musique : il joue de la flûte et de la harpe. Et ce n'est pas tout. Il va étudier la botanique, l'agronomie, la chimie, l'horticulture, l'astronomie, la physique et l'architecture. Et, riche de toutes ces connaissances, François de Monville décide de créer un jardin anglo-chinois à fabriques. C'est le Désert de Retz qui va rester le plus remarquable de ces jardins anglo-chinois. |
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| Les fabriques c'est ce qu'on appellera également les folies. Ce sont de petites constructions, souvent singulières, à l'écart des villes et toujours entourées de verdure. Elle sont à l'usage de l'aristocratie. Ces architectures seront le reflet d'un orient imaginaire ou bien anticiperont sur la dégradation du temps en adoptant une esthétique de la ruine. Ces constructions seront installées idéalement dans des paysages créés pour être volontairement pittoresques (c'est à dire des vues, des paysages destinés à être peints : des paysages créés en tout point pour la vue). |
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En 1774 François de Monville fait l'acquisition d'une maison de campagne à Saint Jacques de Retz qui est un endroit très isolé en bordure de la forêt de Marly. Il va concevoir le Désert de Retz qui va l'occuper durant une décennie. Il dessinera les plans de chacune de ses fabriques comme il l'avait fait plus tôt lors de la construction de ses deux hôtels particuliers parisiens dont il avait confié la construction à Étienne-Louis Boullée. C'est le Temple au dieu Pan (5) qui inaugurera la série en 1775. Plusieurs de ces fabriques verront le jour et l'année suivante ce sera : la Maison chinoise, (6, emplacement initial) le Temple du repos, une Serre, un Obélisque en tôle peinte et un Treillage en architecture arrangée. Et puis d'autres encore : la Glacière en forme de pyramide (4), la Tente terminée par un dôme «fait en manière siamoise» (7) et naturellement, la plus célèbre, la Colonne Détruite (2,3) qui aura la particularité d'être l'habitation principale du domaine. |
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(suite prochainement, j'espère) |
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photographies personnelles sauf 1 : collage de Jacques Prévert, La Fenêtre d'Izis |
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Neige de juin |
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Charles ADDAMS, Snow 5$ célèbre dessinateur américain | David Hammons, performance : 'Bliz-aard Ball Sale' (1983), Cooper Square, New York City Courtesy Migros Museum, Zurich © David Hammons. Photo: Dawood Bey |
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Charles ADDAMS | David HAMMONS |
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photographie trouvée récemment sur le site failblog.org |
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Fat Muybridge
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.photographie : Eadweard Muybridge An obese woman getting up off the ground : three series 1887 Eadweard Muybridge .Fazil SAY Sonate pour violon opus 7 (epilogue : Melancholy) Patricia Kopatchinskaya, violon - Fazil Say, piano, 1996 |
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Bruce Nauman, Walking |
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.illustration : .Bruce NAUMAN Walking in an exaggereted manner around the perimeter of a square, (1967-68) performance/film 16mm .St GERMAIN Rose rouge (radio edit) (2000) |
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Fraenkel performances |
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.illustration : Exercices du professeur Fraenkel Berlin, (1925) Wellcome collection .St GERMAIN Rose rouge (radio edit) (2000) |
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Matthias Heiderich |
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.photographies : Série Winter Berlin Matthias HEIDERICH photographie . MARS I Want To (2001) |
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3 juin 2010
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La Belle Mauve
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« La Belle Mauve avait un charme fou avec son plumeau dans l'œil, mais elle était étroitement surveillée par une armée de gardiens de musée, mille fois plus vigilants que le pire des maris jaloux. Elle était aussi trop grande pour entrer dans mon appartement. J'ai fini par abdiquer et reconnaître l'impossibilité de cet amour, à mon corps-cœur défendant. Un professeur de lycée ne peut pas décemment tomber amoureux d'un tableau du musée d'en face, c'est évident. Surtout avec un plumeau dans l'œil !» Teodoro GILABERT La Belle Mauve Buchet / Chastel, 2010, p33 |
.œuvre : Martial RAYSSE La Belle Mauve [Titre attribué: La France américaine, Portrait] 1962 . Chet BAKER I fall in love too easily |
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