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22 avril 2008 2 22 /04 /avril /2008 12:34
       Jean-Michel Delage, Dyonisien
 
Les Dyonisiens, comme chacun le sait, sont les habitants de la ville de  Saint-Denis.
Et à Saint-Denis les habitants présentent une véritable diversité. On y compte, paraît-il, 71 nationalités. Cette mosaïque, pour quelqu'un qui s'intéresse aux gens et pour un photographe, de surcroit, est un véritable paradis. Saint-Denis  est une ville jeune, vivante, contrastée, dynamique. Mais cette variété, qui  peut être très attractive, génératrice de découvertes, de connaissances, de  relations humaines, est également et très inévitablement source d'incompréhensions, de conflits de natures diverses. Il est donc nécessaire de créer les conditions de l'échange entre les gens et que les habitants se sentent appartenir à une communauté qui excède leur quartier ou leur origine ethnique. La nécessité du "vivre ensemble" s'impose pour enrichir et donner de la force à cette dynamique. Jean-Michel Delage fait des portraits en pied de Dyonisiens qu'il placarde en grand format au cœur de la ville.
La photographie pratiquée  de cette manière est sans doute une façon de contribuer à cette volonté affirmée du "vivre ensemble".
Cela fait deux ans que le photographe Jean-Michel Delage promène un studio ambulant dans la ville et fait des portraits en noir et blanc des habitants, un peu à la manière des photographes africains comme Malick Sidibé, Seydou Keita ou Philip Kwame Apagya. Le disposif est le même : deux très grandes pièces de tissus aux motifs chamarés ou géométriques dont l'une est disposée  au sol et l'autre placée verticalement, derrière le ou  les sujets à photographier. Eventuellement un ou plusieurs accessoires compléteront ce dispositif.
Jean-Michel Delage sillonne sa ville, se déplace dans les fêtes de quartiers, s'introduit au cœur des associations et propose à celles et ceux qui le désirent de "se faire tirer le portrait".
Dans le cadre de cette exposition et avec l'accord des modèles, ces portraits seront tirés  en
grand (1,20 x 1m) sur des supports résistant à l'eau et munis d'œillets métalliques afin d'être exposés , à l'extérieur, sur les grilles du jardin de la célèbre basilique de Saint-Denis, à proximité du centre administratif, dans un lieu de passage, en plein  cœur de la cité. 
           
 
 
 
 
 

Plus de 400 personnes sont passées dans le studio. Une cinquantaine de tirages sont présentés ici. Il s'agit d'une initiative généreuse, ample, ouverte, qui inscrit une démarche artistique dans un cadre humaniste et délibérément non élitiste. Les acteurs-figurants de cette communauté sont de véritables représentants de toute cette diversité tant d'âges que d'origines. On sent à la fois le goût du jeu pour certains et la fierté d'être représentés et de se montrer au regard des autres (ceux auquels j'appartiens et qui n'existent pas sans moi).
           
 
           
La question du dispositif photographique doit néanmoins être interrogée. Le système décrit plus haut est une appropriation d'un dispositif de prise de vue très clairement identifié et renvoie inéluctablement à un code photographique en vigueur dans un certain nombre de métropoles africaines : c'est le fameux "studio africain" *. Cette construction visant à faire du portrait s'est mise en place progressivement en Afrique et a trouvé ses formes (quasiment définitives) en créant un style en réponse à une demande chaque fois locale : nécessité d'avoir des images de soi, de sa famille (à envoyer éventuellement à ceux qui sont exilés), mais nécessité de montrer de ce que l'on possède ou que l'on aimerait bien posséder (voir les tirages de Malick Sidibé ou de Philip Kwame Apagya qui a fabriqué des décors peints montrant les "richesses" d'une société de consommation inaccessible).
Ici, le "studio africain" (puisqu'il s'agit bien de cela) est assumé comme un clin d'œil à la fois au studio en question et à la diversité des origines. On pourra se demander si cette forme n'aura  pas  un peu trop tendance à rabattre cette diversité de la ville à la seule composante africaine. Si c'était le cas, la forme du studio africain devrait sans doute évoluer à Saint-Denis et ce serait là l'occasion d'inventer de nouveaux dispositifs photographiques en réelle symbiose avec le lieu, l'époque et les acteurs.






 
 
 
 
 

Reste que ce studio n'est évidemment pas une simple réplique du "studio africain" puisqu'il se déplace. Dans la tradition, lorsqu'on se fait "tirer le portrait", il s'agit d'une photographie posée, les circonstances sont exceptionnelles (fêtes, mariages, naissances, étapes importantes de la vie, etc.) et l'on se déplace pour se rendre chez le photographe qui donnera de l'importance à l'événement en dressant un décor et en faisant poser ses modèles (qui auront pris, avant, la précaution de s'habiller soigneusement...). Ici, le fait de se déplacer confère une sorte d'humilité au photographe qui va vers les gens. Il en va de même du mode d'exposition : accrocher les tirages en extérieur, sur un lieu de vie, de passage, c'est faciliter l'accès aux œuvres.

Il serait intéressant, maintenant, d'évaluer l'impact d'un tel accrochage sur les habitants de la ville au delà de ceux qui se sont reconnus aux cimaises du jardin de la basilique....
   
           
           
*Voir ICI quelques traces de ces travaux de Malick Sidibé, Seydou Keita ,  Philip Kwame Apagya ou encore Samuel Fosso.
           
           
           

Portraits Dyonisiens

Exposition du 16 avril au 30 mai 2008
Grilles du jardin Pierre de Montreuil
Allée des Six Chapelles 93200 Saint-Denis
 
       

         
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commentaires

C
Quelq'un détient mon portrait, j'espère que ce n'est pas un sorcier vaudou :-)
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E
>Cochonfucius : quelqu'un est donc en possession de votre portrait ? JMD nous apprenait il y a quelques mois que ces photos avaient été volées ...
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C
Lien vers une promenade d'un portraituré dans l'expo. Il y a réplication, c'est certain. Mais aussi du décalage.
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E
Extravagant !Passé le choc, cet événement doit flatter l'ego de l'artiste...;-)
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D
L'expo n'est plus... elle a été volée une nuit, fin avril!!!JMD
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