1 février 2007
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L'Image |
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Si l'on supprime l'image, ce n'est pas le Christ mais l'univers entier qui disparaît. Nicéphore le Patriarche cité par Régis DEBRAY dans Vie et mort de l’image, Éditions Gallimard, 1992 p 75 |
L'Image |
4 mai |
Sans cesse l'image d'un large couteau de charcutier qui, me prenant de côté, entre promptement en moi avec une régularité mécanique et détache de très minces tranches qui s'envolent, en s'enroulant presque sur elles-mêmes tant le travail est rapide. Franz Kafka Journal de Kafka année 1913 Éditions Bernard Grasset, Paris,1954 (réédition 1977), p 275 |
L'Image |
La différence la plus fondamentale entre les mots et les images semblerait être la frontière physique, «sensible», entre les domaines de l’expérience visuelle et auditive. Quoi de plus fondamental que la nécessité brute de la vision pour juger d’un tableau, et de l’ouïe pour comprendre le langage ? Même le légendaire fondateur de la tradition d’ut pictura poesis, Simonide de Céos, reconnaît qu’au mieux, «la peinture est poésie muette». La peinture peut aspirer à l’éloquence des mots, mais elle ne peut parvenir qu’au genre d’articulation du langage dont disposent les sourds-muets, le langage des gestes, des signes et expressions visibles. La poésie, en revanche, peut aspirer à devenir une «image parlante», mais il serait plus exact, pour qualifier ce qu’elle parvient réellement à être, de reprendre la formule de Léonard de Vinci : un genre de «peinture aveugle». Les «images» de la poésie peuvent parler, mais nous ne pouvons pas les voir réellement. W.J.T. Mitchell Iconology University of Chicago Press Chicago et Londres, 1986, p 116 |
L'Image |
La mimésis est l'acte par lequel l'image rejoint l'image, puisque c'est l'image qui est le prototype. L'image s'est faite chair. Dès lors, que sera la chair de nos images ? Marie-José Mondzain Image, icône, économie Éditions du Seuil, Paris, 1996, p 112 |
L'Image |
Adorer une image est une chose ; apprendre en profondeur, au moyen des images, une histoire vénérable en est une autre. Car ce que l’écriture présente au lecteur, les images le présente aux illettrés, à ceux qui ne peuvent percevoir que visuellement parce que, dans les images, les ignorants voient l’histoire qu’ils devraient entendre et ceux qui ne connaissent pas leurs lettres découvrent que, d’un certaine manière, ils peuvent lire. Par conséquent, et surtout pour les gens du commun, les images sont l’équivalent de la lecture. Pape Grégoire Le Grand (VIe s) Synode d’Arras, chap XIV, In Sacrorum Nova et Amplissima Collectio, Éd. J.D. Mansi, Paris et Leipzig, 1901. Cité par Umberto Eco dans Il problema estetico di Tommaso d’Aquino, Fabbri, Milan, 1970 |
L'Image |
Je ne saurais pas vous dire cela plus simplement : l'image est l'essence du désir, et désexualiser l'image, ce serait la réduire à la théorie... Hervé Guibert L'Image fantôme Éditions de Minuit, 1981, p 89 |
David Shrigley galerie Yvon Lambert, jusqu'au 27 janvier | |||||||||
![]() | Organisation de la vie d’artiste : « Je me lève vers 9.00 du matin, je me couche à minuit et entre-temps je suis éveillé. » (dixit David Shrigley). Le 24 octobre, j’écrivais dans un billet intitulé Hate : «David Shrigley est un type de près de deux mètres de haut. Une vision de périscope déformant sur le monde. Artiste écossais déguisé en panoptique-déconnant, il joue les raccourcis féroces et organise les dérèglements. Fout des courts-circuits dans les images à l'aide des mots (ou c'est peut-être bien le contraire ; ou l'inverse du contraire, ou le contraire dans l'autre sens. Justement, à ce propos, le non-sens c'est son affaire).» | ||||||||
D.S. c’est ça. Mais c’est encore totalement autre chose. Les dessins qu’il accroche aux cimaises des galeries sont maladroits. Mais une maladresse d’une grande maîtrise. La maladresse élevée au rang de savoir-faire ! Il écrit dans ses dessins. Parfois l’écriture remplace complètement le dessin. C’est mal écrit. Les mots sont raturés, biffés, hésitants, ratatinés au bout de la page. Et ce qu’ils racontent ces mots c’est amusant et franchement sinistre à la fois,….quelquefois («des fourmis baisent dans ta bière»). C’est tendre et laid, d’autres fois («viens jouer à saute-mouton»). | |||||||||
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C’est souvent étrange et décapant. Nos petites phobies d’enfants que l’on traîne jusque dans nos têtes d’adultes, il les épingle, mine de rien. Nos petites habitudes étriquées de la mince folie du quotidien, tiens, tiens…non, ce petit avorton mal foutu, aux orbites creuses, aux bras d’insecte, ça ne me ressemble pas (ouf !). C’est inquiétant, radical et léger. Une cruauté de l’ordinaire. Un banal de l’absurde. Des traits grossiers qui capturent le bancal. Mais ça fait rire. | |||||||||
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Ca fait rire comme ce petit film d’animation très court, projeté au sous-sol de la galerie (Le Studio) : la petite histoire cruelle et décalée d’un type qui va à la laverie et met son cheval dans la grosse machine à laver. Le gérant lui fait remarquer le panneau : pas de chevaux dans les machines à laver ou dans les sèche-linge». Lui, ne veut pas interrompre le cycle de lavage pour ne pas perdre son argent. Menace du patron, etc. Le dessin est le même, enfantin, mal proportionné, d’une radicalité dans la simplicité. En revanche le son est extrêmement soigné. C’est drôle. Absurde et drôle. Ce type ne peut pas le faire exprès. Mais bien sûr qu'il le fait exprès. Ou plutôt, peut-être qu’il ne peut pas faire autrement, alors il en remet ; il cultive le raté, l’énorme, le mal foutu, le trait grossier, à l’image de ce qu’il raconte sur son incapacité à bien dessiner les femmes dans le magazine berlinois Mono.kultur : « C’est bien plus facile de dessiner des avortons que des gens très beaux. Je ne suis pas doué pour dessiner les femmes ; du coup j’ai fini par dessiner beaucoup d’hommes difformes.» | |||||||||
David Shrigley sévit à nouveau chez Yvon Lambert : YOU AGAIN ! Et c'est un réel bonheur. | |||||||||
photographies de l'auteur A la galerie Yvon Lambert (Le studio) jusqu'au 27 janvier 2007 | |||||||||
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L'Art à perte de vue |
Avant le visible, il y a le caractère profane du pré-visible, mais, après le visible, ne subsistent que l'imprévisible, l'inattendu et la révélation de l'accident de la connaissance. Paul Virilio L'Art à perte de vue Éditions Galilée, 2005, p 102 |