Un nid pour quoi faire |
Cour royale en exil à la montagne cherche conseiller image, chambre tt cft dans chalet atypique, artistes s'abstenir, envoyer prétentions. |
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Musée du quai Branly : premier anniversaire | ||||
![]() | Le musée du quai Branly fête son premier anniversaire aujourd'hui. Le bilan -provisoire- au terme d'une année sera vraisemblablement envisagé ces jours-ci par nombre d'observateurs variés. Soyons attentifs, essayons de faire le tri, sachons repérer les enjeux derrière les constats. Il risque d'être très instructif de confronter les opinions qui vont être exprimées ; qu'il s'agisse de professionnels, de visiteurs éclairés, de touristes, etc. Et dans chacune de ces catégories nous allons retrouver des sous catégories qui ont toutes les chances de ne pas être d'accord entre elles... | |||
Alors que penser de ce musée des arts premiers ? J'ai trouvé sur internet, et je ne sais plus où d'ailleurs, cette photographie d'une statuette d'un type assez particulier renvoyant grossièrement à l'esthétique d'une petite sculpture africaine rendue délibérément contemporaine grâce à ses attributs qu'on ne manquera pas d'identifier... Sacrilège. J'ai trouvé ça rigolo et me suis empressé de glisser, vite fait, ce petit ovnimage dans ma collection de trucs que je récupère, comme ça. Et puis je retombe dessus dans ce contexte du premier anniversaire du musée des arts premiers. Et cette petite image, je ne la trouve plus si anodine. Quel statut donner à cet objet photographié ? Est-on dans le registre du trivial, du blasphématoire, du mauvais goût, du commercial, de l'objet d'art contemporain occidental et provocateur ? (il pourrait occuper une place avantageuse dans l'espace d'une galerie à la mode, du quartier du Marais, par exemple). Ailleurs encore ? «On voit combien la notion d'"art” pose problème ; est ambiguë. Combien sous ce terme, on fait se recouvrir des processus foncièrement différents, antinomiques.» écrivait la rédactrice d'un très bon blog traitant précisément des choses de l'art dans un billet consacré, justement, au musée du quai Branly... La question essentielle relève effectivement de la définition de l’œuvre d’art. Toujours la même question. Ce truc aux frites et boisson gazeuse appartient-il au registre artistique ? Et ce qu'on voit dans les vitrines du musée du quai Branly, est-ce bien des objets d'art ? Ne serait-ce pas plutôt, dans nombre de cas, des objets usuels qui ont changé de catégorie en changeant de continent ? (Même si ceux qui les ont collectés les trouvent «beaux» ? Et puis d'ailleurs la Beauté reste-elle le critère pour définir le statut d'une œuvre d'art ? Le XXème siècle a ébranlé nos certitudes, etc.) Et c’est heureux. Heureusement qu’on est loin de faire le tour de ces questions. Et c’est pour ça que tout se qui se réfère à l’art m’intéresse intensément et continuera sans doute à m’intéresser longtemps. On peut prendre un objet et l’introduire dans un autre circuit, y compris un objet fait en Afrique (et appelons-ça comme on veut : outil, chef d'œuvre, pièce d'artisanat, objet d'art ou de consommation, etc.). A partir du moment où un objet est produit, soumis au regard des autres, il prend son autonomie (voir la statuette africaine...). Et la bonne conscience pour le remettre dans le droit chemin de sa prétendue catégorie véritable n’y fera rien. Et n'est-ce pas ici, au contraire, lorsqu'on considère ces objets «d'arts premiers» que la mauvaise conscience (blanche, bourgeoise, catholique, judéo-chrétienne, scoute, cultivée, de bonne famille, étant nécessairement passée par une phase d’autocritique de bon aloi liée au mouvement social de 1968 avec, en conséquence, juste ce qui faut de contestation politiquement correcte) ressort ? Le musée a des responsabilités. Mais il faut savoir assumer sa position. Il participe à la fabrication des représentations, pour ne pas dire qu'il se trouve bien souvent à l'origine de ces représentations. Y a-t-il vraiment un «regard d’homme blanc» ? Ce qui supposerait un regard d’homme noir. Reste à savoir où commencerait la négritude (ou la «blanchitude»). A partir de quel degré de coloration, d’origine, d’authenticité, de pureté du sang, etc. Voyez que ça rappelle de mauvais souvenirs et qu’il ne faut surtout pas se fourvoyer dans ce sens. Ces deux composantes existent-elles vraiment ? Un regard métis serait une subtilité supplémentaire qui ajouterait un peu plus à la confusion ? Se situe-t-il du côté blanc ou du côté noir ? Ces questions, tout cynisme évacué, interrogent et rappellent évidemment les mauvaises relations que la France a entretenu avec l’Afrique dans le cadre tristement calamiteux du colonialisme et ça n’est pas le discours de la mauvaise conscience (y compris celui élaboré spécifiquement pour ces objets d'art) qui fera le ménage ou qui rachètera cette France du ratage. Pourquoi décidément ne pas s’intéresser à l’Afrique contemporaine et prendre en compte le drame des gens prêts à tout, jusqu’à sacrifier leur vie ? Car ce n’est pas fini. C’est loin d’être fini. Il y a actuellement une superbe performance générale d’une partie de l’Afrique au large des côtes de Sud de l’Europe : voir cette photo d'un performer* en pleine action. Force est de constater que ces questions sur l'art nous entraînent bien loin. Mais je m'éloigne du propos. La statuette se nourrissant de produits made in USA ne renverrait-elle pas à elle toute seule à un état de la réflexion sur la mutation des valeurs liée à l'identification des objets et de leur fonction ? Alors, in fine, que penser de ce musée des arts premiers ? Honnêtement je n'en sais rien. Et puis je ne suis pas spécialiste. | ||||
* photographie en lien : Espagne, îles Canaries ©Juan Medina / Reuters -photographie initiale : source non identifiée. | ||||
GILBERT & GEORGE mêlés malgré eux à un meurtre | |||||||||
![]() | GEORGE : Il nous est arrivé une histoire invroyable. Nous revenions d'Athènes, complètement épuisés... GILBERT : Á la fin d'une exposition, on est à plat. On trouve la porte de chez nous, sur les genoux. Mais chaque fois que nous pensons : «la vie est ennuyeuse», cela repart, quelque chose se passe...Tu ne crois pas George ? GEORGE : Cette fois-là, nous avons trouvé un fax, écrit à la main, de la police du New Yorkshire... Rien qu'à voir cet en-tête, cela faisait plutôt peur... «Chers Gilbert & George, nous souhaitons vous interroger sur un assassinat...une femme trouvée morte, assassinée, dans une valise, une femme recouverte d'un ruban adhésif dessiné par vous.» Ils sont venus nous interroger. GILBERT : Un choc ! GEORGE : Terrible. Première question : Est-ce qu'une de vos œuvres traite de la violence envers les femmes ?» Puis «Une de vos œuvres traite-t-elle de l'asservissement ?» J'ai failli dire non, à part Human Bondage I... et ... On en a tout une liste ! Donc j'ai juste dit «non». GILBERT : Comme la jeune fille était coréenne, il nous a demandé si nous fréquentions les milieux coréens... GEORGE : Mais tous les artistes sont mêlés au milieu coréen ! Nous avons tous des amis coréens ! Nous fréquentons tous des restaurants coréens! Nous y avons même un ami serveur. Le ruban adhésif venait de la boutique de la Tate : à partir de notre œuvre Death Hope Life Fear, ils en ont fabriqué un avec les mots Hope et Life. Enrubanner un corps avec les mots Espoir et Vie : c'est faire preuve du cynisme le plus cruel ! GEORGE : Le policier a vite compris que nous n'avions rien à voir là-dedans. Mais si la fille avait été retrouvée dans un sac en plastique de Sainsbury, jamais la police ne serait venue interroger le directeur de Sainsbury. GILBERT : Et certains journalistes, comme ceux de l'Evening Standard, ont suggéré que nous étions presque responsables... GEORGE : ... que les artistes traitant de tels sujets sont suscpetibles d'encourager ces comportements... GILBERT : Nos images comme appels au meurtre ? C'est très drôle. Dans le Daily Times, Richard Cook, un journaliste établi, a dit à cette occasion, et pour la première fois, que nous étions les artistes les plus téméraires au monde... GEORGE : ... que nous avons évoqué tous les sujets que les gens rencontrent un jour dans leur vie, tous les désastres... GILBERT : Ce fut la première et la dernière fois qu'il nous fit ce compliment. Encore que, replacé dans le contexte, c'était à double tranchant ! Extrait de GILBERT & GEORGE Intime conversation avec François Jonquet, Éditions Denoël, 2004, p 343 illustration exraite de la même page ©Gilbert & George | ![]() | |||||||
David Rosenfeld Les Antérieures. Les Contemporaines galerie Alain Gutharc jusqu'au 21 juillet 2007 | |||||||||
![]() | «Si le regard du modèle se pose sur moi (une photographie trop directe), s'il n'a plus la gravitation qu'il me promettait (l'errance du regard), alors je ne trouve plus le chemin de la grâce. Il faut que le regard du modèle s'égare pour que je m'égare à mon tour, devant l'image.» David Rosenfeld* | ||||||||
David Rosenfeld montre actuellement, à la galerie Alain Gutharc à Paris, ses deux dernières séries de photographies, Les Antérieures et Les Contemporaines, après une présentation de son travail à l'École supérieure d'art et de design d'Amiens en mai 2007. La démarche de cet artiste relève de la plus grande exigence. Il s'agit d'une démarche que l'on pourrait qualifier de soustractive : il fera des milliers de prises de vue pour n'en retenir que quelques dizaines. Son travail consiste à élaguer, à extraire le surperflu, à désencombrer, à soustraire de la matière du brut comme le ferait un sculpteur. Et d'ailleurs la proximité de ce travail de photographe et de celui du sculpteur reste extrêmement frappante lorsque l'on visite l'exposition. La tête du modèle est «posée» : elle pose, s'absente dans la pose, et repose à la manière d'un Brancusi. Le motif du basculement est là pour nous indiquer subtilement la matérialité de l'objet photographié, pour lequel nulle psychologie n'est requise. David Rosenfeld, dans l'accumulation de ses prises de vue, attend le moment d'oubli, d'évanescence, l'informulable de l'instant qu'il va fixer parmi tant d'autres. Ce travail est le contraire d'une production à la mode, d'une esthétique du sensationnel ou du spectaculaire qui ont eu tendance à envahir les espaces qui montrent habituellement de la photographie. | |||||||||
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Le photographe, même si ses goûts personnels vont plutôt du côté d'une certaine photographie américaine exigeante (Diane Arbus, Ralph Eugene Meatyard, Walker Evans ou encore Richard Avedon), connaît bien ses contemporains. Et Dominique Baqué, dans la remarquable préface qu'elle fait au catalogue de l'exposition d'Amiens, indique non sans humour, que pour lui la photographie «plasticienne» est exclue : «C'est que Rosenfeld, écrit-elle, solitaire, insulaire, s'en moque et construit une œuvre étonnament personnelle tant elle échappe à tout courant, toute mouvance et, bien plus encore, à tout effet de mode. Intemporelle, à sa manière, comme ses modèles, dont les visages semblent traverser l'Histoire, rétifs à tout ancrage dans la contemporanéité.»* Plus loin, dans le même texte, Dominique Baqué note : «Rosenfeld, au fur et à mesure qu'il multiplie les prises de vue, jusqu'à n'en plus pouvoir -jusqu'à la zone blanche du regard et, je le suppose, jusqu'à l'épuisement ébloui du modèle -, induit à l'intérieur de chaque série d'infimes variations que seul un regard extrêmement attentif peut saisir. D'où l'effort requis, et consenti, par le regardeur : ici une boucle de cheveux a chu, le regard s'est très légèrement abaissé ; là le cou a pivoté de quelques centimètres, le visage s'est à peine redressé ; ailleurs encore, le modèle semble avoir étrangement vacillé, et son regard comme «glissé»... * Cette œuvre, on l'aura compris, exige énormément de celles et ceux qui souhaitent l'aborder dans toute sa complexité et dans toute sa richesse. Il convient de prendre le temps ; le temps du silence et de la délectation. | |||||||||
* Catalogue de l'exposition Les Antérieures et Les Contemporaines, qui s'est tenue à l'École supérieure d'art et de design d'Amiens en mai 2007. Extrait du texte L’Errance et la grâce, 2006, Dominique Baqué -image : Les Antérieures 1 ©David Rosenfeld, catalogue de l'exposition de l'Esad, Amiens, mai 2007 -photographies de l'auteur, galerie Alain Gutharc | |||||||||
www.david-rosenfeld.com | |||||||||
galerie Alain Gutharc, 7 rue St-Claude, Paris 75003 jusqu'au 21 juillet 2007 | |||||||||
Georges PEREC Cinquante choses que j'aimerais faire avant de mourir | |||||||||
![]() | L'INA vient de sortir un coffret Georges Perec (vol.1) contenant un double DVD assorti d'un enregistrement audio que je me suis empressé d'acquérir . Sont contenus les Récits d'Ellis Island que Perec a commis avec son acolyte Robert Bober. Ensuite , Les Lieux d'une fugue ainsi que trois entretiens avec Perec (1965, 1967 et 1979). Le CD contient la Radioscopie qu'a faite Jacques Chancel de Perec en 1978 et enfin une sorte de bijou intitulé Cinquante choses que j'aimerais faire avant de mourir enregistré en 1981, quelques mois avant la mort de l'écrivain, dans le cadre de l'ancienne émission de France Culture, Mi-fugue mi-raisin. | ||||||||
Et c'est de cet enregistrement de Georges Perec dont je voudrais parler. | |||||||||