10 mai 2011
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Chimères |
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J'avais promis d'éviter les squelettes, voilà qui est fait. Je vais tout de même évoquer un amoureux des squelettes. Il en a peint beaucoup et il s'est souvent squelettisé. Vous vous rappelez sans doute la mystérieuse sirène présentée dans une vitrine sombre à l'occasion de l'exposition James Ensor, au Musée d'Orsay, en 2009 ? Cette sirène appartenait au peintre belge fameux et excentrique. Nous n'étions pas encore au XXIe siècle mais cette chimère, figure à la fois connue et insolite, était de fabrication chinoise. Il s'agit d'une Sirène des Îles Fidji, faite de bois, de poisson séché et d'un fragment du corps d'un singe. La sirène provient du magasin familial, «un fouillis inextricable d'objets hétéroclites» (comme il le dira lui-même). Ensor est né en 1860, à Ostende, un petit village de pêcheurs, devenu aujourd'hui une vraie ville. C'est lui, James, le créateur de l'art-Ensor. |
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7 mai 2011
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Chimères |
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À l'occasion de cette suite d'évocations des chimères (chimères authentiques, métaphoriques ou parfaitement inventées), je m'aperçois que j'ai fait la part belle aux squelettes. Ceci n'était pas réellement mon intention et je prends conscience qu'on se laisse guider, malgré soi, par un imaginaire qu'on ne maîtrise pas totalement. Ceci pour annoncer que je vais encore montrer des os et des squelettes au travers d'œuvres créées par cette artiste italienne (née en 1968), Benedetta Bonchini qui, après un itinéraire assez atypique , a été amenée à produire ces chimères, mystérieuses et poétiques. Je vais ensuite essayer d'éviter les squelettes. |
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Les squelettes font apparemment partie de son monde, de son imaginaire à elle. Un grand nombre d'œuvres qu'elle a produites en témoignent (voir les liens en bas de page). Il va sans dire que le motif du squelette ou du crâne est une composante forte et constante dans toute l'histoire de l'art et qu'à ce titre Benedetta Bonchini s'inscrit dans un sillage bien tracé. Sa formation philosophique est là pour conforter et étayer ses convictions et sa sensibilité artistique. Mais cette artiste (à l'instar de grands aînés comme Marey ou Muybridge) va utiliser des médiums empruntés au domaine des sciences. Dans le cas de ces images qui sont montrées ici la technique de la radiographie médicale est utilisée à des fins artistiques. |
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Il ne s'agit pas pour elle d'esthétiser des radios mais de créer le trouble en mêlant différentes catégories. L'imagerie médicale peut-elle prétendre à une dimension artistique ? Il s'agit de la transformer, de lui faire subir une métamorphose, de l'embarquer sur un terrain qui n'est pas le sien et de lui désigner un usage qui contribuera à nous faire réfléchir sur sa place, sur son statut. La première difficulté pour l'artiste a été de produire de grands formats avec une technique (la radiographie) qui ne le permettait pas. Cette contrainte a constitué un premier pas vers une transformation. Les radiographies médicales ont dû être photographiées pour permettre un agrandissement conséquent (en général de l'ordre de 2,50 m de haut) puis imprimées sur papier ou sur tout autre support préparé. Le statut initial de la radiographie ainsi que sa fonction se trouvent ainsi transformés par cette opération. À partir de là une telle image peut s'émanciper tout en gardant certains traits constitutifs de son origine scientifique ou médicale. |
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 | La radiographie, rappelons-le, naît en 1895 (l'année de l'invention du cinéma), découverte par Wilhelm Röntgen. L'image qui reste de l'invention de cette technique s'affirme décidément dans un domaine que l'on pourra qualifier ultérieurement d'artistique puisque c'est une radio représentant la main baguée de sa femme que l'on conservera dans la mémoire collective (photo ci-contre). Même si cette image n'est pas forcément artistique, elle reste néanmoins affectée par les sentiments et ne peut évidemment être réduite à de l'imagerie médicale comme ce qui sera la règle pour ce type d'objet. Quelques artistes vont profiter de cette opportunité et tenter de détacher l'image radiographique de celle du corps malade. |
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Benedetta Bonichi va être de ceux-là et mettra en scène des disposifs liés aux codes de la peinture et notamment à ceux de la séduction dans la peinture. On rencontrera dans ses photographies des femmes parées de bijoux, s'admirant dans un miroir ou prenant des poses de séductrices. Mais l'ensemble sous la forme de radiographies. L'extérieur, la surface, l'apparence, la superficie (pour ne pas dire le superficiel) de chaque figure seront contredits par ce que nos yeux seront incapables de voir naturellement, tous les jours, dans la vie courante, sans appareillage, c'est à dire l'intérieur du corps, l'architecture des os, la forme du crâne (ruinant instantanément tout espoir et toute envie de séduction). L'artiste va placer le spectateur dans une situation plusieurs fois paradoxale : nous l'avons dit, dans un premier temps la radiographie renvoie à la pathologie (ou plutôt à la recherche de pathologies, vers un corps potentiellement malade). Ici les figures montrées expriment le contraire, elles montrent le désir la séduction, voire des formes de sexualités, donc la vie. Le dehors contredit le dedans. Ensuite on devra considérer ce qui relève de la pose et du mouvement : la qualité d'une radiographie repose sur la capacité du sujet radiographié à se tenir le plus parfaitement immobile (jusqu'à ne plus respirer, nous le savons tous pour avoir subi au moins une fois cette épreuve dans notre vie). Ici, les scènes ou les figures représentées supposent la vie donc le mouvement. Un autre paradoxe relèverait de ce qui serait montré à l'excès et qui s'avérerait parfaitement inutile pour ce que l'on attend de la situation décrite et qui peut même se poser de manière contradictoire. Et puis enfin ce jeu d'illusion et de réalité confondues que Benedetta Bonchini va radicaliser en mettant en scène des chimères que je qualifierai d'objectives (pour être objectivement composites) comme la femme-pieuvre, la femme à tête d'oiseau ou bien la sirène. L'imagerie radiographique fait référence à la science et l'objet observé, qui comporte toutes les apparences de la réalité, n'en est pas moins une invention improbable, un leurre. Néanmoins, Benedetta Bonchini ne ment pas, elle ne cherche pas à abuser de notre crédulité. Elle pose un objet artistique. Un autre artiste va également devenir un artisan d'objets à caractère scientifique, fabriquant lui aussi des chimères dont il va légitimer l'existence dans un corpus beaucoup plus vaste, plus complexe : il s'agit de l'artiste catalan Joan Fontcuberta dont je parlerai sans doute un peu plus tard. |
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Benedetta Bonichi, photographe italienne née à Rome en 1968 . |
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Travaux extraits de la série FRENOLOGIA DELLA VANITAS |
photo 1 : La collana di perle, 2002 |
photo 2 : La metamorfosi, 2007 |
photo 3 : La sirena, 2001 |
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photo 4 : Wilhelm Röntgen, radiographie, 1895 |
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Benedetta Bonichi |
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d'autres œuvres |
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Squelette de centaure |
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Carlos Aires, photographe espagnol né en 1974 photographie extraite de la série "Happily ever after", 2004. |
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Carlos Aires |
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Ectopagus source : Collection d'images d'anomalies congénitales issues de Human Monstrosities de Barton Cooke Hirst (1861-1935) et George Arthur Piersol (1856-1924), 1891-1893. Mütter Museum: Historic Medical Photographs |
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Le docteur Nédellec, en poste en Indochine, avait découvert un petit Chinois de huit ans, enfermé avec ses parents à la prison de Saïgon, et qui possédait une queue de douze centimètres. La photographie de l'enfant prise par Nédellec et diffusée dans le monde entier donna un énorme retentissement à sa communication. Martin MONESTIER Les Monstres, Éditions du Pont Neuf, 1980, p218 photographie : p219 |  |
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Eraserhead - David Lynch |
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Photogramme du "prématuré" du film Eraserhead de David Lynch. Ce film sort en salle en 1977 et est annoncé dans la presse spécialisée comme une sorte d'OVNI du cinéma, un objet esthétique jamais vu. «I saw it», c'est ce qui fit sa réputation et contribua à son devenir de film-culte. J'ai encore le flyer qui annonçait sa projection exceptionnelle dans un cinéma du quartier latin. Et il y avait la queue ce soir là. Et je me rappelle le choc et l'émotion au moment de la projection. Moi qui suis si sensible à la force des images, c'est le son qui m'a fasciné ; ou plutôt l'association des deux. Et à chaque fois que je regarde un film de David Lynch je regarde* le matériau sonore avec intensité. Et de ce point de vue, les films de David Lynch ne me déçoivent jamais. *il faudrait ici inventer un verbe qui indiquerait l'acte de voir et d'entendre de manière active, ample et combinée . |
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..................................... Le couple et son bébé. |
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Le film est en noir et blanc. Les personnages sont atypiques. Les ambiances mystérieuses et parfois inquiétantes. Les actes et comportements des protagonistes relèvent tantôt de l'extravagance tantôt de réactions très humaines comme celle de la mère qui est incommodée par son bébé qui pleure sans discontinuer. Ce bébé, né prématurément, n'a pas réellement d'apparence humaine (même si son comportement l'est). C'est une chimère, une invention, un objet fabriqué de toutes pièces ou qui se serait trompé de catégorie. Son rôle est celui du bébé mais on le verrait plus sur l'étal d'un boucher. La rumeur court que David Lynch aurait utilisé un fœtus de chèvre pour cette figure du bébé prématuré. |
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David Lynch parle de Eraserhead |
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