PINCEMIN, La Piscine | |||||
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Il existe un endroit de toute beauté qui s'appelle La Piscine et qui se trouve à Roubaix. Et c'est à chaque fois un immense plaisir d'y retourner. Comme son nom ne l'indique pas, c'est un musée. Et bien sûr ce musée, autrefois, était une piscine. C'est là qu'est présentée actuellement une exposition de Jean-Pierre Pincemin. Pincemin faisait partie de ces artistes qui étaient, d'une certaine façon, ceux qui constituaient l'avant-garde lorsque j'ai commencé mes études. Avec Marc Devade, Louis Cane, Viallat, Dezeuze et quelques autres, Jean-Pierre Pincemin devait marquer l'histoire de la peinture en faisant émerger et vivre quelques courtes années cette mouvance que l'on a appelée Supports/Surfaces. J'ai un souvenir ému de moments passés à aider au montage d'expositions à l'ARC de sculptures d'un artiste, Côme Mosta-Heirt, qui était aussi mon professeur d'atelier et qui fréquentait tous ces gens liés au mouvement Supports/Surfaces. Tout ceci était exaltant car on avait le sentiment de vivre en direct l'émergence d'un courant artistique. Les débats étaient rudes, l'argumentaire souvent violent. Les théoriciens s'appelaient Marc Devade, Philippe Sollers, Marcelin Pleynet. | |||||
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Il s'agissait de travailler à la déconstruction de ce qui constituait une toile ou une sculpture, de valoriser les constituants de base de l'œuvre tout en se débarrassant de la représentation. Le chassis était exposé, le textile, le pigment montrés pour leurs qualités propres. L'admiration que ces artistes avaient pour la peinture américaine de la seconde moitié du XXème siècle était décisive dans les démarches et les choix esthétiques. Pincemin faisait partie de ces artistes. Dans la première partie de l'exposition de la Piscine, les travaux de cette époque sont montrés (ci-dessus). Les formats sont imposants. L'œuvre est à la fois forte et subtile. On décèle chez cet artiste des qualités dans le maniement de la couleur. Les préoccupations chromatiques sont manifestes. On retrouvera ces mêmes qualités plus tard lorsque Pincemin travaillera tout autrement en ayant recours à des formes figuratives. | |||||
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Mais Jean-Pierre Pincemin était aussi sculpteur. Faisons un grand saut dans l'histoire de sa vie et entrons dans les années 90 et le début des années 2000 : une belle scène , montrant une dizaine de sculptures, clôt l'exposition et l'ouvre à la fois (entre temps le promeneur aura parcouru une sorte de labyrinthe déclinant toutes les pratiques de cet artiste). Ces sculptures (ci-dessus) sont faites de petits morceaux de bois, de petits bouts de planchettes colorées agrafées entre elles par des fils de fer, des espèces de ligatures serrées qui assemblent ces fragments de bois de récupération montés sur une armature de mousse expansée. Les formes sont libres, délirantes, expansives, elles aussi. On a l'impression que l'acte a dirigé la forme, qu'aucune décision initiale n'a été prise et que le résultat est la somme de toutes ces actions d'assemblages automatiques -comme on dit d'une écriture qu'elle est automatique - et que ceci a été conditionné par les matériaux que l'artiste avait à sa disposition. Très étrangement, la pratique rappelle une certaine forme d'art brut et simultanément on peut y reconnaître des figures empruntées à de grands ainés, artistes majeurs d'époques variées. Ainsi, le parrainage avec certaines formes peintes ou sculptées de Picasso va jouer (1, 7); ailleurs la référence comme un lointain écho au mazzocchio d'Uccello pourra apparaître. | |||||
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Pincemin est quelqu'un qui a réfléchi sur le statut de la peinture mais qui néanmoins ne s'est jamais laissé enfermer dans un courant pictural ou dans un mouvement artistique quelconque. On sent un artiste qui a une pratique jubilatoire et qui ne renonce pas au plaisir d'explorer des matériaux modestes comme la pâte à modeler, par exemple, qu'il mélangera à des techniques traditionnelles sur toile ou papier (10, 11) à la manière de traces de peinture. | |||||
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Sa liberté l'entraînera -à l'occasion de l'année de l'Inde en 1986- à user de figures empruntées à un répertoire qui n'est pas le sien (12, 15...). Bien plus tard, dans les années 2002/2003, il reprendra ces thématiques de l'Inde : l'Arbre de la connaissance (13) traité d'ailleurs partiellement en pâte à modeler également et complétée par d'autres techniques. Il est intéressant de noter la logique artistique qui l'anime lorsqu'il travaille le Manteau chinois (16) : ce grand pan de peinture -et de matériaux variés- n'est pas étranger à ses préoccupations initiales liées aux recherches picturales de l'époque de Supports/Surfaces. | |||||
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Le musée de Roubaix présente actuellement un beau parcours déclinant le travail de Pincemin mais il faudra également se rendre au Musée d'art moderne de Céret - avant le 10 octobre- ainsi qu'au Musée des Beaux Arts d'Angers qui montre, jusqu'au 19 septembre, d'autres travaux de l'artiste. Donc une actualité Jean-Pierre Pincemin importante. L'exposition d'Angers met l'accent sur les œuvres réalisées entre 1995 et 2005, année de sa mort. | |||||
Jean-Pierre PINCEMIN 3 avril - 13 juin 2010 La Piscine-musée d'Art et d'Industrie 23 rue de l'Espérance 59100 Roubaix
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La Piscine, Roubaix | |||||