9 août 2009
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Sophie Calle, Bruxelles | |||||
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La dernière fois que j'ai eu la chance de visiter une exposition de Sophie Calle c'était en mai 2008, à la Bibliothèque nationale de France. Il s'agissait de Prenez soin de vous qui m'a laissé une belle impression, un souvenir fort comme à chaque fois que je croise les pièces de l'artiste. Je suis le travail de Sophie Calle depuis longtemps et elle fait partie des artistes que j'aime. Les sujets qu'elle aborde sont forts, nous concernent tous et la manière dont elle les traite demeure exemplaire à la fois pour son engagement, ses prises de risque et la réelle invention qu'elle a su mettre en œuvre dans sa pratique artistique. En effet, on connaît bien la Sophie Calle qui s'implique, se met en scène, expose sa vulnérabilité avec beaucoup d'intelligence. Le Palais des Beaux-Arts de Bruxelles présente une série d'œuvres , un choix vaste qui s'apparente à une sorte de rétrospective et qui montre une suite d'approches que l'on pourrait qualifier plus globalement de rituels autobiographiques. | |||||
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Même s'il manque certaines séries importantes de l'artiste comme Les Cadeaux d'anniversaire, par exemple, cette exposition est l'occasion de la découvrir pour quelqu'un qui ne la connaîtrait pas ou qui la connaîtrait mal. Sans compter le fait que l'on peut voir ses derniers travaux, et ceci tout de suite en arrivant dans cette exposition puisque l'accrochage est conçu sur un mode à rebours : Pôle Nord est daté de 2008. On y voit le processus d'enfouissement des bijoux et du portrait de sa mère dans les glaces du Pôle Nord. On se rappelle la participation de Sophie Calle à la Biennale de Venise pour laquelle elle représentait la France et de la présentation de la vidéo montrant les derniers instants de vie de sa mère. Cette pièce fait donc suite en toute cohérence. | |||||
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Le dispositif imaginé pour cette exposition autour de la vie de Sophie Calle veut que de petits hauts-parleurs, distribués plusieurs fois dans chacune des nombreuses salles, diffusent des textes lus par Frédéric Mitterrand. Le visiteur est donc accompagné d'un bout à l'autre de sa visite et la conception de l'actuel ministre de la culture sur l'œuvre et la vie de l'artiste s'impose et se déroule comme la déclinaison d'une biographie qui nous serait expliquée, interprétée au travers et sur la base de ces mises en scène. Et c'est là une profonde erreur de conception. La volonté de Sophie Calle était sans doute d'intégrer des textes de Monsieur Frédéric Mitterrand, une façon de déléguer, de passer par l'autre afin de mieux cerner soi-même, comme elle a l'habitude de le faire avec efficacité. Mais ici, plusieurs obstacles se sont dressés. En tout premier lieu le volume sonore trop élevé -beaucoup trop élevé- d'une récitation multiple et en boucle de textes lus par quelqu'un dont la voix narsillarde et lancinante peut être vécue comme un supplice. Ensuite, la promiscuité de ces sources sonores fait parfois problème car elles se superposent et s'anéantissent. On pourra éventuellement considérer que c'est l'effet escompté (flux général, superposition des paroles multiples, confusions reflétant notre perception du quotidien, etc.) mais ceci aura de la peine à convaincre car cette promiscuité existe également entre les hauts-parleurs et les œuvres et c'est réellement une source de nuisance. En effet, Sophie Calle dans ses expositions donne beaucoup à lire et la lecture n'est pas dissociable de l'œuvre et lorsque l'on se concentre dans la lecture d'un panneau encadré il est impossible d'en percevoir le sens tant la litanie déversée par les différents hauts-parleurs est présente. Sachant que l'artiste a pour coutume d'intégrer dans son travail l'idée que visuellement la lecture doit être un effort (voir, à ce titre, l'image 7 où le texte est écrit blanc sur blanc.), on comprendra aisément l'incohérence du dispositif. Cette même idée sera développée dans d'autres travaux comme Douleur Exquise, par exemple. | |||||
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Les étapes importantes de l'œuvre de Sophie Calle sont toutes bien représentées dans cette exposition : Douleur Exquise, Le Carnet d'Adresses, La Filature, Les Dormeurs, Suite vénitienne, Vingt ans après, Voyage en Californie, Gotham Handbook, etc.Tout ceci remontant jusqu'en 1967 avec Le Nez. Je n'en dirai rien, ces œuvres étant connues. En revanche la série intitulée Où et Quand ? a été moins montrée car elle a été faite entre 2005 et 2006. Donc une date relativement proche. Deux longs registres constitués de photographies, de textes (souvent en surimpression) et d'objets comme des écrans plats, des néons, par exemple, se font face. Figure également une série importante de plaques de marbres gravées, tels des ex-votos, nommant des maladies. Il s'agit d'une narration. Il y a évidemment un sens de lecture. Un mur est consacré à Lourdes, l'autre à Berck. Ce travail a été fait en collaboration avec Maud Kristen, voyante. | |||||
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Maud Kristen a été sollicitée par l'artiste qui lui a demandé de prévoir son avenir. Celle-ci devait se rendre sur les lieux indiqués par la voyante afin d'aller au devant de son avenir... Le 22 janvier 2006 les cartes indiquent que Sophie Calle doit se rendre à Lourdes. Lourdes, ville des miracles et de la croyance. Le 17 mai 2005 les cartes envoient l'artiste à Berck. Berck, ville des handicapés, des accidentés, atteints de chocs en tout genre. Sur les deux murs se déclinent les pérégrinations, les sensations et les sentiments de l'auteur. On y voit même une rencontre fortuite de Jack Lang à la gare du Nord ! L'œuvre interroge, surtout par ses manques, évidemment. Il s'agit d'un parcours pour lequel Sophie Calle s'est, une fois encore, remise entre les mains d'une tierce personne. Nous avons la sensation d'être dans un jeu. Peut-être une sorte de Jeu de l'Oie, avec des cases et un destin que nous ne maîtrisons pas ; tout du moins pas totalement. Pour cette série, on sent une volonté d'accorder beaucoup de soin dans la réalisation des objets ; il existe une plus grande sophistication dans la confection des pièces qui participent à ce projet, une grande rigueur dans l'accrochage, mais ceci se fait malheureusement au détriment du contenu qui, me semble-t-il, est moins fort que dans la majorité des œuvres qui ont précédé. A travers le destin décliné de l'artiste depuis une trentaine d'année nous nous reconnaissons à certains égards, au détour de certaines pensées, certains événements. Nous admirons Sophie Calle pour le courage de son exigence qui souvent nous fait défaut, pour son obstination à franchir des seuils qui nous paraissent inquiétants, à pousser des portes qui devraient rester fermées. L'étonnement provoqué par les conséquences de ces actes à la fois simples et courageux fait que ce travail de Sophie Calle, nous continuerons à le suivre. Avec curiosité et affection. | |||||
photos : 1,2 : Sophie CALLE - Le Nez 2000 © Jean-Baptiste Mondino. Sabam Belgique 2009. Courtesy Galerie Emmanuel Perrotin, Arndt & Partner, Paula Cooper Galle 3 : ©Craig Mc Dean 4 : Pôle Nord photo de l'auteur 5 : Pôle Nord photo de l'auteur 6 : Pôle Nord photo de l'auteur 7 : Pôle Nord photo de l'auteur 8 : Où et Quand ? photo de l'auteur 9 : Où et Quand ? photo de l'auteur 10 : Où et Quand ? photo de l'auteur 11 : Où et Quand ? photo de l'auteur | |||||
CALLE SOPHIE BO ZAR Palais des Beaux-Arts 23 rue Ravenstein 1000 Bruxelles 27 mai 09 - 13 septembre 09 Palais des Beaux-Arts | |||||